22 décembre 2009

Le Top Du Blogueur

J'adore les classements. Je devrais d'ailleurs m'inquiéter de ce goût pour la hiérarchisation, pour l'ordonnancement de disques qui n'ont rien à voir les uns avec les autres. En attendant ma psychanalyse, je livre céans les albums que je pense retenir de cette année. Je commencerais par signaler en exergue que pour la première fois depuis longtemps j’ai rencontré en 2009 quelques difficultés à trouver une dizaine de disques m’ayant vraiment enthousiasmé. L'année fut-elle pauvre ? Ou bien ai-je inconsciemment préféré écouter de vieux disques plutôt que des nouveautés cette année ? Je serais très intéressé par vos réactions et vos avis à ce sujet.

The Pains Of Being Pure At Heart - s/t : j’ai abordé ce disque partout acclamé avec un certain scepticisme, voyant de loin la baudruche arty s’approcher. Finalement, cet album frais, concis, léger a triomphé de mes doutes et a contaminé ma platine et mon baladeur toute l'année. Il y a vraiment tout ce que j’aime dans ce disque. Autant en faire mon album de l’année. J'ai déjà entendu ça mille fois, forcément (rien qu'en cumulant mes écoutes de "Loveless" ou "Psychocandy" par exemple), mais cela faisait longtemps que je n'avais pas entendu cela comme ça, des chansons bien écrites et balancées sans complexes, à grand renfort de guitares bruitistes et de voix diaphanes. Qu'importent la modernité et l'air du temps, ici la spontanéité est reine. Voilà qui fait un bien fou.


Dominique A - La Musique : si je mentionne "La Musique", c’est au moins autant pour le disque, impeccable, que pour le concert de novembre dernier au Casino de Paris. Dominique A sur scène, c’est toujours un choc ; on a beau s'y attendre, sa présence, son intelligence, sa maîtrise et son honnêteté fondamentale emportent tout sur leur passage. Le concert magnifie de façon spectaculaire des chansons déjà excellentes. Depuis "L'Horizon", j'arrive enfin à trouver que les albums de Dominique A rendent justice à son talent ; "La Musique" le confirme avec brio. Et pour ma part, je méditerai longtemps, pour des raisons qui me sont propres, sur Hasta Que El Cuerpo Aguante et ses paroles mémorables.


The XX - s/t : un autre poids lourd de l'année. Leur premier album est une vraie réussite, leur style minimaliste me parle. Je ne peux que me réjouir de voir un tel groupe rencontrer un succès aussi massif (au moins sur le plan critique). Quant à se prosterner aveuglément face à The XX, il y a un pas que je me refuse à franchir. Voici assurément l'un des meilleurs albums de l'année mais encore une fois, quelque chose me dit que l'on a plus à faire à un défaut de combattants. Au pays des aveugles, les borgnes sont rois. The XX : borgnes de l'année ?


Danger Mouse & Sparklehorse - Dark Night Of The Soul : Classe, élégance, intelligence. "Dark Night Of The Soul" rassemble toutes les qualités, pour tout dire c'en serait même suspect. Dieu merci, l'album survit à ses promesses ou presque. On ne s'ennuie que très peu (un exploit dans un tel album collaboratif) et les meilleures chansons sont tout simplement des chefs-d'oeuvre. This Mortal Coil est encore très loin, mais cette tentative kamikaze dépasse largement l'anecdote.

Future Of The Left - Travels With Myself And Another : j'ai déjà parlé de ce brulot sur Indiepoprock.net, je vous invite à relire ma chronique, je n'en ai pas honte.

Phoenix - Wolfgang Amadeus Phoenix : Si l'on excepte quelques incursions plus étranges qui ne masquent qu'imparfaitement la totale uniformité de l'ensemble, le dernier album de Phoenix nous propose dix fois la même chanson. Qu'importe : cette chanson quasi-unique, ce titre pop merveilleusement écrit, arrangé, tout en efficacité et en élégance, on a envie de l'écouter cent fois, mille fois. 1901 fois pour tout dire...

Passion Pit - Manners : L'album pute de l'année. Une succession de tubes décomplexés, qui visent simplement à provoquer l'euphorie et y parviennent parfaitement. Il n'est pas dit que je me souvienne longtemps de "Manners", mais son évanescence hédoniste a vraiment égayé mon année.

P.O.S. - Never Better : rageur, oppressant, sombre, violent. Quand le hip-hop rencontre intelligemment le rock, ça donne "Never Better". Ca frappe fort et juste, comme souvent chez Rhymesayers.

School Of Seven Bells - Alpinisms : Cet album reste pour moi une superbe curiosité. Il n'est pas passionnant de bout en bout et recèle plusieurs temps morts, mais lorsque la formule fonctionne et en particulier au cours d'une première moitié d'album de très haute volée, "Alpinisms" stupéfie, rassemblant des dizaines d'influences complètement antinomiques avec un naturel confondant. Des voix divines s'entremêlant face à un mur de guitares saturées, le tout chevauchant des rythmes qu'on pourrait croire pondus par Leftfield : je n'en avais pas forcément rêvé mais depuis que School Of Seven Bells l'a fait, je me dis que j'aurais dû.

En marge de ce palmarès subjectif, je m’interroge sur la domination écrasante de certains groupes dans l’ensemble des classements 2009. "Merriweather Post Pavillion d’Animal Collective", en particulier, phagocyte tous les suffrages : c’est pour moi une véritable source d’incompréhension, malgré de multiples tentatives je ne parviens toujours pas à écouter cet album de bout en bout...

Pour être exhaustif je me dois de mentionner une découverte tardive que je dois aux tops de mes amis indiepopeux : "Post-Nothing" des Japandroids ressemble fort à une merveille. Je ne l'ai pas encore assez écouté pour donner ici un avis définitif mais cet album distille un goût de reviens-y bien enivrant... A suivre !

18 décembre 2009

Un match, une chanson #5 - Dominique A : Le Courage Des Oiseaux (PSG - Lens : 1-1)

C'est quand vient l'hiver que l'on se sent vraiment supporter... Ca peut paraître risible mais devoir, en pleine semaine, enfiler trois épaisseurs de pulls, deux paires de chaussettes, sortir gants et bonnet pour aller voir son équipe jouer face à un promu un match sans réel enjeu qui lui permettra au mieux de s'incruster aux places de milieu de tableau, cela nécessite du courage, du moins de la motivation. Dès le début, cette soirée a oscillé entre excitation et abnégation. Et l'on n'imagine jamais très bien qu'une histoire puisse finir si mal (égalisation de Lens) quand elle a commencé si bien (ouverture du score bien chanceuse par Makélélé). Parfois, Dieu sait ce qui passe dans la tête de Sakho, défenseur aux sautes de concentration toujours aussi dévastatrices. Peut-être finirons-nous par nous lasser...

Si j'ai choisi pour illustrer ce triste match le célèbre Courage des Oiseaux de Dominique A, c'est également pour le dédicacer un brin ironiquement aux supporters, qui eux aussi chantent dans le vent glacé. Au final, ce que l'on retient d'une soirée comme celle-ci, c'est bien plus l'ambiance toujours spectaculaire du Parc, même à l'orée de l'hiver. La tribune oscille en fait entre le courage des oiseaux et celui des oiseux - le courage de beugler des noms d'oiseaux ? Drôles de volatiles en vérité que ces supporters beuglant "Ho Hisse, enculé" à chaque dégagement de Runje (un ex-Marseillais...). Mais ce que je crois commencer à comprendre, c'est que le rôle de la tribune n'est pas d'être juste, d'être fair-play, d'être mesurée, ni même tolérante. Son rôle c'est d'être là, aussi bruyamment que possible.


14 décembre 2009

Un match, une chanson #4 - El Columpio Asesino : La Caja De Musica (PSG - St-Etienne : 3-0)

Retour sur un chef-d'oeuvre injustement méconnu : "De Mi Sangre A Tus Cuchillas", sorti en 2006, demeure pour moi un des très hauts lieux de la décennie, et malgré un nom à la gomme, El Columpio Asesino doit être considéré comme un groupe majeur (vous pouvez au passage lire la chronique de l'album sur Indiepoprock.net)... Au lendemain de la très belle victoire de Paris face à St-Etienne, je vous propose de découvrir la chanson qui clôt l'album. La Caja De Musica traduit parfaitement la dynamique du match : ça démarre sur les chapeaux de roue avec une équipe martiale, dominatrice, carrée, impeccable. 3-0 à la mi-temps et un Parc des Princes aux anges : Paris se contente alors de gérer au cours d'une seconde mi-temps plutôt soporifique sur le plan du jeu, mais bercée d'un doux sentiment d'allégresse à mesure que se dessine la victoire. Exactement le sentiment ambivalent que parvient à procurer la fin de la chanson, rythmée par les notes d'un xylophone discret et les éclats d'une trompette un rien flapie.

Après une série de matches bien pénibles, le PSG semble sur la voie de la rédemption et enchaîne de bonne performances ; à confirmer dès mercredi soir face à Lens...

2 décembre 2009

Un match, une chanson #3 - Fujiya & Miyagi : Ankle Injuries (PSG - Auxerre : 1-0)

Au-delà du soulagement d'une victoire vraiment attendue au terme d'un match franchement médiocre, je retiens de cette victoire du PSG la blessure de Grégory Coupet, gardien de l'équipe. Sa fracture de la cheville faisait mal vue des tribunes, elle fait encore plus mal en gros plan et en ralenti à la télévision. Coupet s'est blessé tout seul, en tentant de sauver un corner sur une passe pourrie d'un de ses défenseurs. J'espère le revoir garder les buts du Parc. La chanson que j'ai retenue ne représente pas vraiment le déroulement du match, simplement une association directe du titre avec ce fait de jeu particulier. Ankle Injuries (Blessures à la cheville), de Fujiya & Miyagi n'en est pas moins un excellent morceau, symbolique de la classe toute en sobriété du groupe. Cette sélection me permet aussi de découvrir que les vidéos de Fujiya & Miyagi sont régulièrement sublimes ; je ne résiste pas au plaisir de vous faire profiter de celle d'Ankle Injuries. Enjoy, and so long, Greg.

24 novembre 2009

The Wrens - The Meadowlands

Suivre l'actualité musicale, fût-ce en se restreignant à quelques styles circonscrits, a quelque chose d'exténuant. J'ai même le sentiment qu'avec l'avènement de ces outils "web 2.0" qui nous permettent de communiquer à grande vitesse, le défi est devenu démentiel. Il est possible de tout écouter (ou presque) et pour demeurer crédible, il devient nécessaire de tout écouter (ou presque). Combien d'erreurs de jugement peut-on commettre en tentant de rattraper le flot de l'actualité, de se maintenir au fait des dernières sorties, d'aller, littéralement, plus vite que la musique ?

Je me pose souvent cette question, c'est d'ailleurs pour cela que je me prête volontiers à l'exercice de la critique "oldies" : au moins sur un disque que je connais par coeur depuis des années mon jugement sera-t-il bétonné, argumenté, muri, réfléchi. Je me la pose aussi parce qu'un album comme "The Meadowlands" peut typiquement être la victime d'un zapping frénétique au gré d'une séance de navigation. Le style est classique, la production pas particulièrement clinquante : à la première écoute, j'aurais très bien pu remiser The Wrens dans la longue liste des groupes anonymes qui hantent les recoins les moins explorés de ma discothèque. Pourtant, depuis que j'ai fait l'effort de l'écouter en détail, cet album n'a plus quitté mes écouteurs, je peux même affirmer sans crainte que c'est le meilleur disque que j'ai écouté cette année. Précision : "The Meadowlands" est sorti en 2003 et je n'ai pas souvenir qu'il ait défrayé la chronique. Voilà qui invite à l'humilité...

Lecteur, si tu m'as lu jusqu'ici, je te demande de me croire quand j'affirme qu'une écoute (une vraie, par pitié, fais une pause, ne te laisse pas emporter par la vague de décibels actuels qui ne manquera pas de gronder derrière toi), qu'une écoute vaut mille mots, même si ces mots sont les miens et qu'ils valent eux-mêmes leur pesant de cacahuètes. T'aiderai-je si j'ajoute que le rock de The Wrens repose sur l'équilibre fragile entre un son assez rêche, peu sophistiqué, et une finesse mélodique surnaturelle ? Qu'il faut un peu d'attention pour apprécier à leur juste valeur le refrain irrésistible et les arpèges délicats qui ornent le finale de Ex-Girl Collection ? Que j'ai les poils des avant-bras qui se dressent à chaque fois que Happy se métamorphose de complainte plaintive en gigue mi-enjouée, mi-desespérée ? Que Faster Gun ou Per Second Second me donnent envie d'empoigner une guitare pour me joindre à la fête ? Que Thirteen Grand me donne envie de pleurer de joie ? Que lorsque The Wrens prétendent résumer 13 mois en 6 minutes, ils sont loin d'être ridicules ? Que la ferveur qui habite toutes ces chansons est tellement forte qu'elle serait foutue de me faire croire en un monde meilleur ?

"The Meadowlands" est bien plus qu'une anomalie statistique : c'est un formidable manifeste de pop-rock, une déclaration d'amour vibrante aux plus grands noms du genre, un acte de foi, tout simplement... Un jour, peut-être, je serai fatigué de courir après la nouveauté ; je prendrai alors le temps de profiter de quelques fameux disques qui suffiront à mon bonheur. Au rayon des albums aussi discrets qu'indispensables, "The Meadowlands" côtoiera certainement de très près le premier Pinback. Ce n'est pas rien, chez moi, de côtoyer Pinback.

20 novembre 2009

Un match, une chanson #2 - France - Irlande : 1-1

La France ira en Afrique du Sud disputer la Coupe du Monde et pas l'Irlande. Etrangement, l'humeur générale est aux excuses et à l'autoflagellation : depuis hier résonnent dans tous les médias les cris d'orfraie de journalistes, analystes, spécialistes battant leur coulpe d'appartenir à la nation française dont l'aura sera entachée pour l'éternité par le quart de seconde de malhonnêteté plus ou moins volontaire de Thierry Henry. Les mêmes jurent leurs grand dieux qu'à sa place ils se seraient dénoncés, auraient avoué leur faute refusé le but providentiel, forçant l'admiration des supporters. Espérons que la présence de la France en phase finale les aidera à consoler leur conscience tourmentée, leur grandeur d'âme bafouée en leur permettant d'occuper l'antenne à longueur de journée et de mettre quelques noisettes de beurre dans leurs épinards...

J'ai cherché un bon moment des idées pour illustrer cet étrange moment de sport. J'ai commencé par envisager plusieurs chansons en fonction de leur titre, de Hand In Glove des Smiths - idéal si Govou avait fauté à la place de Henry - à Hand In Hand d'Elvis Costello, en passant par Red Right Hand de Nick Cave - mais c'est la main gauche qui a fauté... Je me suis penché sur quelques fameux cas irlandais : Gloria (version U2 ou Them) ? N'exagérons rien tout de même... Dirty Old Town des Pogues ? Trop téléphoné. Frank and Walters ? Divine Comedy ? Undertones ? Difficile à raccrocher au sujet... Finalement, plus qu'une chanson, c'est un titre d'album que j'ai choisi : "Everybody Else Is Doing It So Why Can't We ?" - le premier album des Cranberries. On a tendance à l'oublier, les Cranberries, avant de sombrer dans le ridicule le plus total, ont été un excellent groupe pop, mineur, certes, mais excellent néanmoins. Ce premier album inégal mérite en tout cas qu'on se repenche sur son cas : Dolores y chante avec un minimum de retenue qui fera gravement défaut par la suite, et les compositions sont en majorité sobres et élégantes (retenons le hit Linger et le sublime Put Me Down). Qui plus est, avoir subi les outrages sonores ultérieurs du même groupe permet de calmer quelque peu les élans de mansuétude ; après tout, on s'est cognés Zombie, à leur tour de subir Henry !




Au jeu des titres d'albums, "Liberation" de Divine Comedy aurait pu faire l'affaire, à la réflexion. La question des Cranberries me paraît plus d'actualité parce qu'après tout, au football, tout le monde force le passage, essaie de donner un coup de pouce au destin. Tout le monde le fait lors pourquoi pas nous ? Pourquoi faudrait-il en sus en avoir honte ? C'est aussi parce qu'il est joué par des hommes capables de petitesses, de mesquineries, de veuleries que ce sport passionne. La France s'est qualifiée à l'aide d'un coup de bluff, peut-être même un coup de pute. C'est sale, c'est moche, c'est petit, c'est couard et je n'en ai RIEN à foutre. L'équipe de France s'est qualifiée grâce à Thierry Henry, personnellement c'est tout ce que je retiendrai : et si le rôle du capitaine de l'équipe de France, c'était aussi de savoir faire basculer un match quelle que soit l'arme employée, quitte pour cela à se retrouver au coeur d'une tourmente médiatique qui fleure bon la tartuferie ?

15 novembre 2009

Dexter - Saison 1

Attention : ce billet n'a pas pour vocation de garder intact le suspens entretenu tout au long de cette première saison de Dexter. Il est préférable d'avoir vu les épisodes en question avant de le lire, même si je ne pense pas révéler grand-chose...

Arrivée en France à grand renfort de publicités pour chaînes payantes, "Dexter" a fait office, après "Lost" ou "Desperate Housewives", de fer de lance d'une certaine catégorie de séries américaines, marquées par un budget conséquent et par une idée de départ marquante. Je ne m'étendrai pas sur le pitch de la série, tout le monde le connaît (les tribulations d'un tueur en série évoluant au jour le jour sous les traits avenants d'un expert en médecine légale au sein de la police de Miami). "Dexter" tient-il toutes ses promesses ? En très grande partie, la réponse est oui ; je n'ai pas eu le loisir de suivre un grand nombre des séries ayant vu le jour ces dernières années, mais je comprends sans peine que l'on puisse considérer "Dexter" comme un spectacle marquant.

La première évidence, c'est d'abord le soin apporté à l'ensemble : scénario bien tenu, écriture au cordeau et dialogues volontiers porteurs d'un humour cynique des plus savoureux, mise en scène et photographie léchées... Rien ne semble laissé au hasard et mises à part quelques légères baisses de tension ou facilités scénaristiques, le plaisir légèrement pervers que l'on prend à suivre cet être incroyable ne faiblit pas. Les personnages principaux sont tous parfaitement pensés et l'une des grandes réussites de cette saison réside justement dans la crédibilité de ces personnages : on aime à les suivre dans certaines péripéties qui semblent anodines mais qui aident à mieux les comprendre, à mieux les saisir. Ca n'a l'air de rien, mais cette cohérence est une chose rare : le comportement des protagonistes paraît toujours fidèle à leur caractère et l'on n'a jamais le sentiment d'un "syndrôme Kim Bauer" (allusion à un célèbre personnage de "24h" au comportement régulièrement inexplicable et/ou stupéfiant de connerie, ce qui, on le comprend rapidement, n'est qu'un recours facile pour les scénaristes afin de créer de la tension lors d'une crise d'inspiration). C'est aussi pour cela que l'on marche aussi volontiers et que l'on se passionne pour les rebondissements d'une intrigue principale qui s'avère finalement assez classique.

La très bonne idée de la série est aussi de faire appel à Michael C. Hall (l'inoubliable David Fisher de "Six Feet Under") pour incarner le monstrueux personnage central. Sa voix, en particulier, se prête admirablement à l'utilisation schizophrène qui en est faite : légèrement naïve et pleine d'accents attentionnés côté pile, cynique, atone, froide côté face. Son interprétation, dans la lancée de ses performances de "Six Feet Under", est magistrale. Tous les acteurs sont d'ailleurs impeccables, en particulier Jennifer Carpenter en grande bringue godiche et peu sûre d'elle et Julie Benz en femme-victime toujours ingénue malgré les épreuves qu'elle a traversées.

Cette première saison s'achève pourtant sur un étrange sentiment : le dénouement, presque trop riche en rebondissements et en révélations, se raccorde assez mal avec le reste de la série qui atteint ses meilleurs moments dans la description des instants quotidiens d'une galerie de personnages extraordinaires plutôt que lorsqu'elle cherche à faire le spectacle. Non que celui-ci soit mal conçu, le suspens bien huilé fonctionne parfaitement ; simplement l'utilisation de ressorts classiques de narration amoindrit quelque peu la force d'une série dont la grande idée est justement de bâtir un univers "inversé". Je m'imagine cependant que les créateurs de la série ont aussi dû tenir compte de certaines contraintes dans la conception de leur intrigue, et refuser le suspens traditionnel aurait probablement relevé d'une démarche commercialement suicidaire...

Cette petite réserve mis à part, la première saison "Dexter" est renversante, en tous points exceptionnelle. C'est donc bien naturellement que je me ruerai sur la saison 2 !

9 novembre 2009

The Cure - Last Dance

J'ai beaucoup parlé de The Cure, récemment, en particulier de "Disintegration". Je m'aperçois que je n'ai pas mentionné une chanson qui me touche particulièrement. Il s'agit de Last Dance, et cet oubli est maintenant réparé. Je ne saurais pas réellement expliquer d'ailleurs pourquoi j'aime tellement cette chanson, probablement pour son évocation d'une jeunesse qui s'éloigne, d'un amour qui se fane, pour cette chronique nostalgique de souvenirs qui s'enfuient. Quant à cette façon de finir une chanson sur un accord en suspension au dessus du vide, ponctuant une des plus belles phrases d'un album peu avare en paroles magnifiques ("And even if we drink, I don't think we would kiss in the way that we did When the woman Was only a girl"), c'est tout simplement du très grand art.

8 novembre 2009

Un match, une chanson #1 - Get Well Soon : Prelude (PSG - Nice : 0-1)

"Rest now, weary head, you will get well soon" : c'est ce qu'on aurait envie de susurrer ce soir à Ludovic Giuly. Une petite comptine douce-amère qui commence en gueule de bois et se termine en apothéose, les poils au garde à vous sur les avant-bras. Paris a perdu au Parc contre Nice, mais c'est en quelque sorte la faute à pas de chance ("pas de chance", c'est le nom de la transversale du but côté Boulogne ?). J'aurais aimé que le match soit à l'image de la chanson, et qu'après cette première mi-temps soporifique, l'énorme pression parisienne, accompagnée des clameurs de plus en plus enthousiastes du Parc, soit couronnée de buts, d'un but, enfin de quelque chose qui ressemble à un début de victoire, à autre chose qu'à deux tirs repoussés par la barre. Après le but, le délitement, les dernières minutes à regarder un match qui n'en était plus un, une équipe désabusée et désordonnée contre une équipe qui n'en demandait pas tant pour jouer la montre. Il n'y avait plus de raison d'y croire, après tout, la guigne, ce n'est pas une vue de l'esprit. Mais Paris a bien joué, montré de belles choses, alors, malgré ce vilain coup dans les gencives : "Rest now, weary head, you will get well soon"...

(Cette vidéo ne rend que partiellement justice à la splendeur de cette merveilleuse chanson, mais c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour illustrer ce billet)...

5 novembre 2009

Stephenie Meyer - Twilight tome 1 : Fascination

(Raillons un peu ces salauds de jeunes, ils ont moins de rides et plus de cheveux que nous, ils le méritent).

Vivre avec classe est un sacerdoce. Il est des moments où la robe de bure est plus dure à porter que d’autres, des moments où l’on a besoin de relâcher la bride. Des moments où même le plus fin gastronome peut avoir envie d'un hamburger bien gras, où le mélomane le plus averti aura envie d'écouter Numa Numa Iei, parce que... parce que bon.

Tout cela pour présenter un simple fait : j’ai lu "Twilight" - du moins le premier tome de la série. Pour être précis, ma volonté de compréhension de ce phénomène culturel moderne relève d’une opiniâtreté qui devrait m’honorer, puisqu’après une tentative de visionnage du film (assoupissement) puis une tentative de lecture du premier tome en anglais (assoupissements répétés ayant conduit à abandon), je me suis - couardement certes, mais avec opiniâtreté nonobstant - rabattu sur le premier volume de "Twilight" en traduction française. Prétendre que je fus épargné par des assoupissements répétés serait forfanterie, mais cette fois, je l'ai fait, je l'ai fini !

Ce qui me place en position idéale pour formuler de façon avertie les observations suivantes :

1) "Twilight" est écrit avec les pieds. Si la traduction paraît avoir été faite, au mieux, avec la main gauche, il faut reconnaître que le matériel de départ est d’une indigence stupéfiante, à tel point que Stephenie Meyer semble bien partie pour reléguer Mary Higgins Clark dans l'oubli au panthéon du néant stylistique. J.K. Rowling, en comparaison, c'est Balzac. La comparaison avec la maman de Harry Potter n’est pas insignifiante, puisque les deux partagent déjà un succès formidable, tant littéraire que cinématographique, porté notamment par un public jeune.

2) Ce qui me choque surtout dans "Twilight", c’est la pauvreté de l’intrigue et des thématiques. En termes de péripéties, on peut être aussi bref que le bouquin est long : on s’emmerde pendant les trois quarts du livre, puis une dernière partie manifeste une vague tentative d’animer le tout en recourant à une intrigue secondaire tellement artificielle qu’elle sent le rajout hâtif demandé par l'éditeur.

3) Même si cela ne relève pas d’une originalité terrassante, le thème de l’amour passionnel qui jouxte la frontière du fatal est toujours assez intéressant. La tension supplémentaire provenant du fait que la différence de condition entre Edward Cullen et Bella Swan les contraint à un amour platonique sans possibilité de passage à l'acte pourrait être un atout, mais cela vire au comique de répétition. En cherchant bien, on pourrait peut-être trouver des choses à écrire sur le thème de la différence d'âge entre le vampire immortel, adolescent depuis plus de cent ans, et l'oie blanche bien mortelle qui vient de fêter ses dix-sept ans. On pourrait...

Bref, en un mot comme en cent, "Twilight" reste pour moi une énigme. Sans être un fan transi de la série, je comprends, par exemple, tout à fait pourquoi "Harry Potter" a pu rencontrer un succès aussi massif, et aussi littérairement insignifiants soient-ils, les livres sont suffisamment bien construits pour s’avérer passionnants. Rien de tout cela ici : mal foutu, bancal, mal écrit, ce premier tome de Twilight est une vraie daube.

30 octobre 2009

The Cure - Disintegration

"Disintegration" a vingt ans, j’ai donc vingt ans de plus que lorsque je l’ai écouté pour la première fois - une tautologie aussi choquante à écrire qu'elle peut paraître anodine à lire. Ecrire sur The Cure n’a rien d’aisé. Cela revient pour moi à parler de choses extrêmement personnelles, de choses anciennes, à la fois marquantes et d'une banalité sans nom. Ecrire sur "Disintegration" est un exercice encore plus étrange, car il s’agit d’un des disques que j’ai le plus écoutés dans ma vie. On parle donc de plusieurs centaines d’écoutes, à tel point que je n’ai même plus vraiment besoin du son proprement dit pour en ressentir tel ou tel passage. Je ne me suis jamais prêté à l'exercice, mais j'aurais peut-être le même sentiment en écrivant sur une partie de mon corps. Les disques qui m’ont le plus marqué ne sont pas qu’une affaire de musique ; tout est histoire de contexte, de circonstances, de hasard d'une certaine manière - non que ce soit exceptionnel, il en va de même pour tout le monde, mais cette corrélation ne laisse jamais de me stupéfier. A quelques années près, peut-être aurais-je été totalement rétif à Cure ou Nirvana et aurais-je été bouleversé par Tokio Hotel et Avril Lavigne ?

Mon billet avance, et je m'aperçois que je n'ai fait jusqu'ici que tourner autour du pot. Ne m'en veux pas, lecteur, ce simple fait en dira probablement plus long que le reste sur la relation que j'entretiens avec ce disque - sauf à raconter un peu ma vie, mais je ne le ferai pas ici ni maintenant. Pas plus d'ailleurs que je ne décrirai par le menu la musique en elle-même : de nombreuses critiques le font déjà très bien. Ce qui m’intrigue, c’est la faculté qu’a encore "Disintegration" de me faire ressentir certaines choses. Pourquoi chaque écoute d’Untitled ou Plain Song me plonge-t-elle dans le même état de mélancolie hébétée, me prive-t-elle de ma volonté au point de me faire arrêter de marcher dans la rue ? Est-ce encore la force pure de la chanson ? Ou le poids des souvenirs que j’y attache ? Ou un savant mélange des deux ? Et d'abord pourquoi aurais-je envie d'écouter un disque capable de m'ôter toute volonté d'avancer ?

Il y a probablement là une grande part de nostalgie. J'ai parlé, plus haut, et sans exagération, de plusieurs centaines d'écoutes. Ils sont très peu nombreux, les disques que j'ai autant usés. Plus précisément, il y a bien longtemps que je n'écoute plus les disques autant qu'avant, que je ne m'en imprègne plus jusqu'à ce qu'ils déteignent sur mon quotidien. Si je cherchais à rationaliser les choses, je dirais que c'est simplement parce que j'ai moins de temps pour écouter de la musique, parce que j'ai plus de disques à écouter... Au-delà de l'aspect mathématique, je crois aussi que je n'ai plus la même faculté à m'enthousiasmer, la même opiniâtreté dans l'appropriation de la musique - une histoire d'âge, sans doute. Peut-être que je me plonge avec délice dans les eaux troubles de "Disintegration" parce que je les connais comme ma poche et qu'elle sont la preuve tangible de la réalité de ma jeunesse. Chaque écoute, en tout cas, me pose des questions auxquelles je n'ai pas de réponse probante mais finalement, si c'était aussi ça la force de "Disintegration" ? Un disque qui force à se poser des questions, ne proposant aucune réponse mais permettant de prendre le temps de se demander si tout cela a bien un sens.

"Disintegration", en fait un disque de déliquescence, de délitement plus que de désintégration, me parle toujours autant, parfois sans même que j'aie besoin de l'écouter. Je crois pouvoir écrire sans trop me tromper qu'il fait partie d'une poignée d'albums "générationnels", dans le sens où il a marqué durablement des auditeurs d'une même tranche d'âge, ceux dont l'adolescence a coïncidé peu ou prou avec la fin des années 80. Je ne sais pas si d'autres disques, actuellement, parviennent à jouer ce rôle, en tout cas je ne saurais pas bien les nommer ; j'ai suffisamment foi en la musique pour croire que c'est encore le cas, qu'il est encore possible de forger sa personnalité à l'aide de certains artistes. Merci de ne pas m'ôter cette illusion.

29 octobre 2009

Vinyle #7 - The Cure - Kiss Me

Cher Robert Smith,

te tenait-il vraiment à coeur, ce "Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me" ? Ou bien ce patchwork mal foutu est-il le reflet de la façon dont tu l'as conçu, avec des bouts de chansons récupérées ça et là (Just Like Heaven, auparavant donnée pour générique à une émission de télé et pourtant à jamais au panthéon des chansons pop parfaites), pour répondre à la demande, forcément énorme après le tabac de "The Head On The Door" ? Etait-ce cela, ta vie, une succession invraisemblable de moments euphoriques, lumineux, et de journées de désolation passées à crier ton désespoir, un spectacle plus grand que nature, où la démesure de l'ambition se confond avec la fuite en avant ?

Je me demande souvent si le succès, la reconnaissance ont été plus faciles à vivre que les mois où tu consignais ton mal-être sur une série de monuments claustrophobes définitifs. T'a-t-il été difficile de ne plus exister que pour "The Head On The Door", pourtant pas l'album le plus joyeux de la création, mais le plus léger dont tu aies été capable ? T'es-tu senti prisonnier de cet album qui représentait pourtant un merveilleux exutoire après des années de dépression ? Je me souviens encore de cette émission avec Drucker, ce "Champs-Elysées" où vous étiez arrivés grimés en filles, maquillés à outrance et bourrés comme des coings pour une interprétation à la fois dérisoire et immortelle de Boys Don't Cry. J'étais trop petit à l'époque pour en comprendre toute la portée, pour en saisir, plus que la subversion, le désespoir, l'incapacité à détourner réellement un spectacle avançant avec la puissance et l'inertie d'un train sur des rails.

Il faut croire d'ailleurs que bien d'autres que moi étaient trop jeunes pour comprendre. Sinon peut-être la tristesse absolue de ce disque insensé aurait-elle été mieux sentie, mieux perçue. "Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me" est presque systématiquement écarté d'un revers de la main comme le rejeton indigne et boursouflé de "The Head On The Door". Pourtant, toute la lenteur, la majesté de "Disintegration" sont déjà là, dès le premier morceau (The Kiss, comme par hasard), ou plus loin sur The Snakepit et One More Time. Et toute l'élégance de composition dont tu sais faire preuve éclate sur quelques merveilles immarcescibles (Catch, How Beautiful You Are, All I Want, The Perfect Girl ou Just Like Heaven, encore).

Où alors est-ce l'effet zapping, ce changement d'humeur systématique, qui a dérouté la critique ? Vingt-deux ans après, rassure-toi, cela ne choque plus personne : depuis l'avènement du MP3, sans que l'on s'en rende compte, l'album est devenu une notion rétrograde et dépassée. La musique se consomme comme un menu MacDo, en "Best Of", version Maxi pour les boulimiques. Il est bien plus facile de picorer les morceaux comme des nuggets, sans se soucier de la composition ou de l'équilibre du repas. Aurais-tu été heureux, cependant, d'imaginer que chacun vienne consommer à loisir tes chansons sans se préoccuper de la façon, aussi tordue soit-elle, dont tu les avais agencées ?

Restent à expliquer ces inexplicables faux pas. Hey You !, Why Can't I Be You, Hot, Hot Hot !!!, franchement... A quoi ça rime ? A rien, probablement, j'imagine même que c'est pour ça que tu as gardé ces morceaux dans la liste, pour mieux montrer par quels méandres l'inspiration peut passer. A moins que l'on t'ait forcé à panacher ton cocktail de chansons plus dynamiques pour ménager les ventes. Dans un cas comme dans l'autre, cela a dû être douloureux.

J'ai trop lu "Les Inrockuptibles" étant jeune, alors l'expression "grand disque malade" me brûle les lèvres. Mais finalement, avec toi, cher Robert Smith, la maladie est un prérequis, à quoi bon la mentionner ? "Kiss Me, Kiss Me, Kiss Me" est, conséquemment, un grand disque, tout court. Probablement pas ton meilleur, ni ton plus triste, ni le plus joyeux, mais peut-être le plus vivant, celui où au-delà de la mélancolie, tous les sentiments que l'on peut ressentir au cours d'une vie se trouvent concentrés. Il est encore sacrément pertinent plus de vingt ans après : tu peux être fier.

7 octobre 2009

Hélène Berr - Journal

Hélène Berr, jeune femme de famille aisée, commence ses études à l'Ecole Normale Supérieure, et répartit ses loisirs entre musique, littérature, amours naissantes et actions de bienfaisance. Hélène Berr est juive, et son journal commence en 1942. La nature même du livre, document incroyable sur une des plus noires périodes de l'histoire, impose évidemment le respect, mais le journal d'Hélène Berr s'avère surtout un document rigoureux et sans concession sur les privations successives subies par les juifs à cette période, sur l'injustice profonde des décrets promulgués à cette période, sapant, d'abord insidieusement puis explicitement, toujours plus de libertés pour les porteurs de l'étoile jaune...

Le plus grand paradoxe du livre est peut-être aussi sa grande force : le personnage d'Hélène Berr, aussi admirable soit-il par ailleurs, n'est pas de ceux avec lesquels il est aisé d'être en empathie. Brillante, riche, dévouée, cette jeune fille apparaît d'abord bien lisse. Son style souvent pédant rend certaines pages horripilantes, sa façon de coller inutilement des termes anglais au milieu de phrases en français s'apparente à une afféterie maniérée. Ses menus états d'âmes, détaillés scrupuleusement au début du journal, ennuient de prime abord. Ces scories sont aussi indispensables que le reste, aussi vitales que les pages plus enflammées, plus engagées, plus "nobles", car ces différentes facettes permettent de mieux comprendre la personnalité d'Hélène Berr, dans toute sa complexité tragiquement humaine. C'est lorsqu'elle agace que cette jeune femme se rapproche le plus de nous, et dépasse le cadre du personnage littéraire. Cette incarnation devient fondamentale, car par ailleurs ce livre nous place dans l'un des paradoxe les plus choquants de notre position de lecteur : on a beau savoir que ce n'est pas un roman, que ce journal consigne des faits réels, c'est bien lorsque la peur s'installe que l'on commence à se sentir captivé par la narration... Il est rassurant de pouvoir se dire (mais pourrait-il subsister un doute ?) que cela provient de la proximité que l'on a nouée avec Hélène Berr au cours des premières pages et pas d'une fascination morbide.

Quant au glissement progressif dans l'horreur, implacable et inéluctable au fil des pages, il se passe évidemment de commentaires, je ne pourrais qu'être oiseux en tentant de le traduire. Sur la forme, cette dichotomie entre une première partie finalement heureuse et une seconde moitié atrocement chaotique fait de ce journal un "Mulholland Drive" pour de vrai. Je me contenterai de signaler également que les dernières pages, une juxtaposition d'horreurs marquée par la peur qui sourd de chaque ligne, par l'angoisse de se sentir traquée à tout moment, sont d'une force tout simplement inouïe.

5 octobre 2009

John Burdett - Bangkok Tattoo

Deuxième épisode des aventures de Sonchaï Jitpleecheep, le drôle de flic inventé par John Burdett. Cette fois, Burdett pousse encore plus loin l'impénétrabilité de son personnage : si Jitpleecheep naviguait, dans "Bangkok 8", entre (grossièrement), ses origines orientales symbolisées par sa vision bouddhiste de l'univers, et sa culture occidentale l'astreignant à une certaine rigueur cartésienne, il devient ici franchement improbable. En effet, on apprend (c'est d'ailleurs l'un des ressorts du roman) que Sonchaï assiste sa mère, prostituée à la retraite, et son supérieur hiérarchique, officier de police corrompu jusqu'à la moëlle, au cynisme machiavélique, pour la gestion d'un bordel destiné essentiellement aux occidentaux âgés.

L'intrigue ? Un imbroglio relativement imbitable, qui s'amorce lorsque la plus belle des protégées du bordel Jitpleecheep annonce avoir tué (sauvagement) un de ses clients, qui s'avère être un agent de la CIA. S'ensuit une sarabande où l'on croise pêle-mêle la CIA, le milieu musulman thaïlandais, de grands pontes de l'armée et de la police occupés à comploter les uns contre les autres, et même des truands chinois ou japonais. Excessif (et d'autant plus que la note de l'auteur placée en fin d'ouvrage semble laisser entendre que rien dans ce qu'il connaît de la Thaïlande ne justifie la construction d'un univers tel qu'il le décrit), "Bangkok Tattoo" s'attache surtout à décrire la vie étrange des prostituées thaïlandaises. Même si la description en est très romancée, l'ensemble fonctionne et l'attrait légèrement malsain exercé par ces milieux interlopes fait encore une fois son effet.

On peut regretter l'évolution trop caricaturale du personnage principal, qui n'aide pas à trouver son chemin dans ce labyrinthe d'intrigues enchevêtrées, mais qu'on n'y comprenne goutte passe au second plan. Cette succession de péripéties s'écoule à un rythme languide, dans un flou savamment entretenu qui donne l'impression au lecteur de suivre cette histoire à travers un voile opiacé, et qui met surtout en valeur l'argument principal du livre : la passion trouble qui unit Sonchaï et la prostituée Chanya...

4 octobre 2009

PSG - Nancy : 1-1

Un stade totalement silencieux, où soudain l'on entend les spectateurs tousser, se racler la gorge, où l'on entend le bruit des pieds des joueurs sur le ballon, où les actions ne déclenchent que quelques timides bruissements, vite réduits à néant : les cinq premières minutes de la seconde mi-temps, dédiées à la mémoire de Brice Taton, supporter toulousain décédé cette semaine après avoir été agressé en Serbie, auront finalement été les plus étranges et les plus intenses de ce match. Pour le reste, et s'il faut parler de sport, le résumé de la soirée tient en une seule question : comment peut-on expliquer que la même équipe puisse se montrer conquérante, joueuse, opiniâtre face à Lyon, et apathique, atone, sans volonté face à Nancy ? J'imagine que c'est là un simple pas de plus dans ma compréhension des paradoxes frustrants du Paris-Saint-Germain. Il n'empêche que voir une équipe tétanisée par un milieu déficient qui ralentit totalement le jeu, à l'image d'un Makélélé hors-sujet, une équipe qui ne se décide à entrer dans le vif du sujet que l'espace de quelques minutes (après l'ouverture du score nancéenne et jusqu'à l'égalisation, puis lors des dix dernières minutes du match) a quelque chose de décourageant. Les matchs nuls peuvent se suivre sans se ressembler : celui contre Lyon était porteur de beaucoup d'espoir, malgré un résultat mitigé, le match d'hier résume la situation d'une équipe sans ressort et qui n'encaisse que trois points en quatre matches. L'automne sera long...

24 septembre 2009

Vinyle #6 - Taxi Girl - Seppuku

"Je serai ta victime ce soir, mais je n'ai pas peur"... (Le Chant des Enfants Morts, sur "Seppuku" de Taxi Girl)

Robert Smith n'a pas été le seul à souffrir à l'orée des années 80, et "Pornography", le chef d'oeuvre de Cure, n'est peut-être que le membre le plus renommé d'une fratrie effrayante, anormale. Une cohorte de disques de l'ombre aussi choquants et marquants que le défilé des "Freaks" de Tod Browning... Daniel Darc, dont les derniers albums ont été à juste titre acclamés, vient de là, de ce caniveau où se mêlent toutes sortes de fluides et d'impuretés. Vingt-cinq ans après, ses démons semblent moins dévorants, mais si ses mots sonnent juste, si sa sincérité affleure à chaque intonation de sa voix, c'est parce que l'on sent distinctement à quel point il a pu descendre bas. Bas, "Seppuku" ? Indéniablement : il n'y a rien de noble ici, rien que du désespoir, de l'autodestruction, du dégoût de soi, dissimulés à grand-peine derrière une pochette travaillée signée Mondino, derrière une production de Jean-Jacques Burnel (des Stranglers). Mais même avec des paillettes et du rouge à lèvres, du fond de teint et une chouette robe de soirée à paillettes, "Seppuku" reste une junkie paumée, frissonnant en attendant sa dose d'euphorie chimique.

"Seppuku" commence pourtant étrangement, avec Les Armées de la Nuit dont l'intro se fait presque sautillante, jusqu'à ce que les mots de Darc viennent ravager cette première impression ("Nous marchions dans les rues, sans même un regard, nous étions les derniers, seuls jusqu’au matin") . L'acclimatation prend quelques minutes, comme en plongée il est nécessaire d'équilibrer la pression pour pouvoir descendre sans se détruire les tympans... Et c'est bien de profondeur dont il est question ici, au moins si l'on cherche à qualifier l'atmosphère qui se dégage du disque : sous ses dehors bien peignés, "Seppuku" est un album de bas-fonds, de gouttière, de parking souterrain. Il sera facile de railler ses atours new-wave, ce son froid et synthétique, ces voix blanche qui appellent à la caricature, ce sera d'autant plus facile que "Seppuku" n'est pas facile à aimer. Pourtant derrière ce son apparemment froid, vestige de l'époque, "Seppuku" est bien un disque désespérément humain, fait de chair et surtout de sang, ce sang dont Darc aspergea son public lors d'un concert devenu légende. La voix, blanche et maladive, de Daniel Darc, exhale tous ses états d'âme et ses excès de l'époque, et l'instrumentation, construite principalement autour d'ornementations de clavier synthétiques qui serpentent vicieusement autour d'un son blanc et crispé construit par la guitare et la basse, parvient à peine à maintenir l'illusion d'une structure et camoufle à peine l'effondrement psychique dont ce disque est le témoignage.

A la fois témoin de son époque et chronique intemporelle d'une descente aux enfers, "Seppuku" est un disque définitif, comme le geste de Viviane Vog qui "tranche ses veines" sur le titre du même nom... Peut-être ne l'aimeras-tu pas, lecteur, et je ne saurais t'en vouloir : après tout l'inconfort n'est pas une obligation.


PS : Pour parler de "Seppuku", comme pour l'écouter, le choix du vinyle est une quasi-nécessité... dictée par des impératifs pratiques, puisque les parcimonieuses rééditions CD sont introuvables ou presque.

23 septembre 2009

PSG - Lyon : 1-1

Espoir, doute, exaltation, frustration : en quelques heures, la rencontre entre le PSG et l'Olympique Lyonnais aura permis de vivre toutes les sensations qui font du football un spectacle d'une intensité incroyable. Avant le match, on espère le meilleur, tout en reconnaissant avec humilité que Lyon fait peur, que l'on craint le pire. Le pire aurait été que l'OL prenne les rênes de la rencontre, le contrôle du jeu pour un affrontement à l'issue certaine. Mais bon sang que cette équipe parisienne fut belle à voir. Si le début du match a été lyonnais, la révolte du PSG a été éclatante : engagement total, esprit combatif, l'équipe a développé un jeu vraiment enthousiasmant, beau à regarder - et tous les joueurs ont été bons. Tant et si bien que l'absence de ce couillon de Sessegnon, considéré comme l'unique dépositaire de l'animation parisienne, passe inaperçue. On regrette plus celle d'Erding, qui aurait certainement eu la possibilité de tuer le match alors qu'Hoarau, pas encore au niveau de l'année dernière, vendange plusieurs occasions. Le PSG aura ainsi mené pendant plusieurs dizaines de minutes, devant un Parc à l'ambiance surchauffée. Alors effectivement, le but de l'égalisation lyonnaise fait mal : même s'il a été concrétisé lors d'une grosse phase de domination pour les joueurs de l'OL, Gomis était purement et simplement hors-jeu. Au final, est-ce qu'il vaut mieux voir un superbe match malgré un résultat frustrant ? Ou bien se satisfaire d'une victoire étriquée, obtenue au cours d'un match pourri ? Je n'ai pas la réponse. Tout ce que je sais, c'est que le Parc a vu un superbe match. Paris aurait dû gagner, bordel !

15 septembre 2009

Taxi Girl - Aussi Belle Qu'une Balle

Ce bref billet en appellera bientôt un autre, plus long, au sujet de Taxi Girl. Mais j'avais envie de partager un bref instant de nostalgie, un voyage qui commence comme une bonne rigolade kitsch, une rigolade qui s'arrêterait net, comme on appuierait sur une gâchette... Quant on parle de musique des années 80, il est toujours difficile de faire comprendre ce qui peut différencier la purée préfabriquée de certaines vraies chansons. La limite est mince en vérité : Aussi Belle Qu'une Balle, avec son clip cheap montrant les trois musiciens jouer un playback plus qu'approximatif, avec ses synthés en avant, donne bien envie de grasseyer en ressortant quelque fameuse parodie des Inconnus. Le chant maniéré de Daniel Darc élargira les sourires entendus, mais prêtez attention aux paroles : une litanie basée sur un désespoir amoureux qui vire au morbide. "Et moi je n'attends qu'elle, oui mais autant vouloir se tuer" : voici que quelques gloussements se transforment en toux embarrassée. Voyez-vous la gravité de Daniel Darc, à travers ses oripeaux d'époque ? Comprenez-vous l'étrange subversion de cette chanson aussi chargée de bile qu'elle paraît sucrée de prime abord ?

Taxi Girl peut prêter à rire. Mais le quatuor (puis trio après la mort d'un de ses membres) n'a jamais versé dans la gaudriole. Retenez ceci : Taxi Girl vaut bien mieux qu'une caricature. Alors ce billet aura rempli son rôle.




6 septembre 2009

Vinyle #5 - Pink Floyd - Wish You Were Here

En parcourant d’une main distraite les étagères de ta tour à CD à la recherche d’un fond sonore décent, tes doigts se sont posés sur cet album, ce vieux truc que tu n’avais pas écouté depuis des années, "Wish You Were Here" de Pink Floyd. L’album idéal à écouter bien assis dans un fauteuil, pendant qu’on feuillette distraitement une BD ou une revue, t’es-tu dit – bon sang, es-tu déjà si vieux ?

Dès que les premières nappes synthétiques ont rempli l’espace de la pièce, tout est revenu. L’humiliation, ce putain d’éclair goguenard dans les yeux de la fille quand tu lui as expliqué que c’était un de tes albums préféré, cette moquerie muette dont tu n’avais pas saisi la cause – tu en avais en revanche parfaitement compris les implications : jamais tu n’arriverais à tes fins avec elle. Plus tard, lorsque, pas rancunière, elle te ferait découvrir le punk, Sex Pistols, Joy Division, Pixies, tu comprendrais à quel point tu t’étais gouré ce jour là.

Pink Floyd, c’est ces bajoues flasques, ballottant mollement autour des visages falots des trois vieux paumés sur une scène trop grande pour eux, le regard perdu dans la foule, au beau milieu de ces centaines de milliers de spectateurs assoupis ou assommés par trop de joints, ces trois ventripotents essayant désespérément de montrer qu’ils valent encore quelque chose, ex-rockstars en chemises de vieux, en pantalons de vieux, dégarnis comme des vieux mais essayant de jouer jeune, et cet espèce de désarroi sur leur visage, d’aveu d’échec muet pourtant palpable même à travers un écran de télévision.

Pink Floyd, c’est tes premières soirées au lycée, avec quelques amis, les premières bitures, les premiers joints, ces crépuscules interminables qui se prolongent en nuits blanches, les discussions qui deviennent de plus en plus ineptes et clairsemées lorsque l’alcool et le cannabis font leur effet, pour finalement n’aboutir qu’à de longues plages de silence, durant lesquelles tout le monde écoute la musique, ponctuant quelques morceaux de bravoure d’un hochement de tête approbateur, à défaut d’avoir encore la capacité d’articuler un commentaire intelligible.

Pink Floyd c’est ces ampoules au bout des doigts, les cordes métalliques de ta première guitare qui te meurtrissent la chair quand tu essaies d’imiter les bends improbables de David Gilmour (dans Guitar Part, tu as lu qu'il pouvait faire monter la note de deux tons et demi, toi, en y allant de toutes tes forces, tu as péniblement réussi à atteindre un ton, puis la corde a émis une note étrange et sèche en se brisant), c’est aussi ces heures passées à rembobiner ta cassette, à repasser, inlassablement, l’interminable intro de Shine On You Crazy Diamond, pour tenter d’en reproduire le solo, sous le regard bienveillant de tes parents qui préféraient t’entendre jouer la musique de leur jeunesse qu’aligner les accords saturés et strident d’une chanson punk. C'est encore les regards posés sur toi (admiratifs pour certains, goguenards pour quelques autres), ce soir de beuverie au coin d'un feu de bois, sur la plage de Saint-Georges de Didonne, lorsque tu as interprété Wish You Were Here, reproduisant même avec application le solo de l'introduction...

Près de dix ans après, tu es affalé sur ton fauteuil, et en y repensant, depuis quand n'avais-tu pas écouté ce disque? Trop de mauvais souvenirs, trop de choses que tu aimerais avoir oublié, et puis Pink Floyd, ça fait désordre pour quelqu'un qui aimerait se targuer d'avoir des goûts musicaux pointus... Pourtant, même si ça t'arrache la gueule de le reconnaître, cet album est plutôt bon. Excellent, même. Wish You Were Here, finalement c'est une superbe ballade, non? Ca écoeure moins que Hotel California, merde. Même Welcome To The Machine, avec sa pseudo-philosophie sous-jacente à la Orwell, ça s'écoute encore assez bien. Et Gilmour, quel guitariste, quand même... Pour un peu, tu ressortirais ta gratte, pour te dérouiller un peu les doigts, peut-être que tu n'as pas tout perdu... Alors tu réalises, alors que les dernières notes s'éteignent pour laisser place au silence, tu réalises que tu as beaucoup plus vieilli que ce disque que tu as essayé de détester pendant des années sans jamais réellement y parvenir. Cet échec que tu croyais lire dans les yeux des musiciens, ce sera bientôt le tien. C'est celui de tous ceux qui essaient de rattraper leur jeunesse. Mais les musiciens de Pink Floyd, eux, ont vraiment quelque chose à rattraper, pas seulement quelques souvenirs de drague minable ou de biture sordide. Tu ne fais pas vraiment le poids. Tu reposes prudemment le disque là où il était, puis tu sors prendre l'air quelques minutes...

1 septembre 2009

Eli Gottlieb - Ainsi Soit-Il

Après la fin tragique de son meilleur ami d'enfance, écrivain raté, un homme se penche sur son passé et déclenche une succession de révélations plus surprenantes les unes que les autres. Sur le papier, l'argument du roman d'Eli Gottlieb paraît prometteur. Déception à l'arrivée : le livre refermé, qu'en retiendra-t-on ? Pas grand-chose ; la faiblesse d'"Ainsi Soit-Il", c'est de paraître toujours courir après la justification de son existence. Drame psychologique ? Chronique d'un couple qui se délite ? Il se passe en permanence beaucoup de chose dans le roman, en tout cas il se passe beaucoup de choses dans l'esprit de son narrateur, mais sans que jamais une intrigue ne se dessine réellement. Le livre se referme avec l'impression paradoxale d'une lecture à grande vitesse, dans l'urgence, mais qui ne mène nulle part. Pourtant toutes ces péripéties ont bien un point de convergence, qui se précise fort logiquement à la conclusion du livre, mais entre le début en fanfare et cette fin volontairement renversante, tout semble s'enchaîner sans logique.

La faute aussi à des personnages trop schématiques, trop caricaturaux : le personnage de Rob Castor, poète maudit voué à l'échec, ne prend jamais l'ampleur qui devrait être la sienne compte tenu de la place centrale que son charisme est censé lui donner dans le petit monde qui gravite autour de lui. Quant au narrateur / héros, totalement insupportable dans son affectation intello-arty bien américaine, il catalyse tous les clichés du roman psychologique new-yorkais. Les romans de David Gates ("Jernigan", "Preston Falls") ont autrement plus d'élégance et de force dans la description de l'emprise du quotidien sur la vie d'un américain moyen, et du dérèglement progressif d'une existence huilée.

La pêche sera probablement meilleure la prochaine fois, en tout cas "Ainsi Soit-Il" s'oubliera bien vite.

30 août 2009

PSG - Lille : 3-0

J'entame avec ce match ma seconde saison d'abonnement au Parc des Princes (symptômatique : j'hésite encore à écrire supporter, même si en définitive ma préférence ne fait aucun doute...). Je retrouve ainsi la tribune après plus de 3 mois de coupure, et je goûte de nouveau à l'ambiance électrique du Parc : on l'oublie facilement après quelques semaines de désintoxication, mais le stade est aussi une petite addiction. L'après-midi se prête parfaitement aux retrouvailles : temps au beau fixe, température agréable. Si l'on ajoute à cela qu'à la 4ème journée de championnat, les enjeux sont assez limités et ne risquent pas de créer de tension trop exacerbée, que de plus le PSG pointe parmi les premières places de la Ligue 1 après un début de saison très réussi, tous les ingrédients sont réunis pour un beau spectacle.

En l'occurrence, au-delà du match lui-même, très réussi et bien maîtrisé par Paris, c'est l'adrénaline de retrouver l'ambiance du stade qui domine, le plaisir réellement physique de se sentir enveloppé par la foule, véritable masse humaine, toute en ferveur, en exubérance, en mauvaise foi. L'adrénaline, toujours, à haute dose lors d'une belle action, ou surtout, lors de l'explosion délirante de joie qui suit un but. J'avais oublié la force, la puissance absolue, primale / primaire de ces instants, j'ai été servi avec les 3 buts de ce soir.

Une nouvelle saison démarre, j'ai pris place à bord, pour l'instant la croisière s'amuse, et j'espère simplement que l'on saura éviter les galères de la fin de saison dernière. Erding et Jallet semblent bien prometteurs, Sessegnon toujours entre spectacle étincelant et jeu collectif déficient, Luyindula en forme, Coupet encore largement dans le coup : les raisons d'espérer sont bien là !

John Burdett - Bangkok 8

Rien de tel qu'un bon polar pour accompagner quelques heures de farniente estival ; extrêmement distrayant et réjouissant, "Bangkok 8" remplit plus que parfaitement cet office. L'histoire en elle-même est de facture plus que classique, s'appuyant sur un héros qui cherche à résoudre un étrange crime crapuleux dans un double but de justice et de vengeance, son meilleur ami (son "frère spirituel") ayant également trouvé la mort dans l'épisode. Plus original en est le développement, puisque le héros, Sonchaï Jitpleecheep, s'avère être un flic atypique refusant toute forme de corruption, et préférant s'adonner à la méditation pour construire ses enquêtes. Le choc des cultures orientale et occidentale est mis en scène par le biais d'une collaboration entre Sonchaï (métis fils d'un Américain et d'une Thaïlandaise) et Kim Jones, enquêtrice du FBI cherchant à pincer un énigmatique magnat du commerce de l'art.

Burdett ne se prive pas de donner force détails sur l'état de corruption et le fonctionnement atypique de la police thaïlandaise, et ne fait pas plus l'impasse sur le développement florissant de l'industrie de la prostitution. Indéniablement, l'efficacité de la narration y gagne, puisque le moindre événement quotidien devient révélateur d'un mode de vie et de pensée qui nous échappe presque totalement. A l'inverse, on n'échappe pas à un exotisme légèrement racoleur, à la limité d'un reportage de "Zone Interdite". En cela, on est assez loin des romans de Tony Hillerman, qui trouvaient leur force dans l'originalité du contexte (la communauté indienne à la fin du XXème siècle), et paraissaient plus exacts, moins sensationnalistes que "Bangkok 8". Moyennant quoi, en se gardant de la considérer comme une enquête sociologique (l'auteur reconnaît d'ailleurs assez humblement en fin d'ouvrage avoir recouru à quelques expédients pour agrémenter son roman), cette drôle d'histoire se déguste sans complexe, avec une délectation légèrement salace.

8 août 2009

Foo Fighters - Exhausted

Rideau temporaire pour quelques vacances... Lecteur, quittons-nous sur une chanson dont le titre en dira long sur mon état : Exhausted des Foo Fighters.

Je n'ai jamais suivi de très près la carrière des Foo Fighters après leur premier album, mais je me souviens encore de l'effervescence qui avait accompagné la sortie de celui-ci, et du premier concert des Foo Fighters dans un Bataclan surchauffé, avec, si ma mémoire est bonne, Built To Spill en première partie.

Cet album s'apparente plus à un album solo de Dave Grohl, qui l'a composé et enregistré seul ou presque. C'est peut-être ce côté "Do It Yourself", très punk, qui donne au disque une fragilité, une élégance que je n'ai pas retrouvé dans les albums suivants de Foo Fighters devenus groupe. Je retiens avant tout le dernier morceau de cet album. Exhausted (épuisé) porte magnifiquement son nom, je pense sentir ici s'épancher toute la tristesse, toute la fatigue de Grohl après la fin de Nirvana. Un exutoire désarmant de sincérité et de fragilité, précédant un cycle bien plus apaisé avec les Foo Fighters, qui vont devenir une usine à tubes power-pop lisses, de qualité mais sans grande personnalité.

La légende veut que Grohl ait proposé Exhausted à Cobain, qui appréciait la mélodie mais aurait préféré y apposer ses propres paroles. Je n'ai certainement pas à juger ce que Cobain aurait dû faire ou ne pas faire, surtout pas moi, mais c'est mieux ainsi. Dave Grohl méritait de garder cette chanson.


5 août 2009

Alias - Saison 5

"Alias", archétype de la série moins débile qu'elle n'en a l'air... Bien avant de jouer avec "Cloverfield" la carte de la duplicité ultime entre spectacle frénétique et mise en abyme intello, JJ Abrams a créé avec cette saga un premier hybride fascinant, compression "à la César" de Mata-Hari, Indiana Jones, Freud, Tomb Raider et Françoise Dolto. Il m'a fallu une bonne saison avant de tomber dans les rets d'"Alias", avant de me passionner pour le destin de cette espionne à l'entourage sévèrement secoué, le temps de me familiariser avec cette atmosphère particulière, entre cartoon et psychodrame familial. Evidemment, lorsqu'on a suivi toutes les péripéties (j'ai bien dit "suivi" et non "compris" ou "retenu") des quatre premiers volets de la série, on en attend avec une certaine fébrilité le dénouement...

Cette dernière saison d'Alias est à elle seule un concentré de paradoxes : comment conclure de façon aussi digne que possible une série dont, justement, la fin est dictée par des chutes d'audience ? Comment continuer à captiver le spectateur quand l'argument principal du spectacle devient accessoire ? L'énorme, au sens propre, surprise du début de saison est en en effet de découvrir la grossesse de Sydney Bristow (et par là même celle de Jennifer Garner). Une situation qui n'est pas sans conséquence sur le déroulement des épisodes, un des ressorts principaux de la série étant de s'appuyer sur les diverses qualités de la demoiselle, qualités athlétiques pour les cascades, anatomiques pour les scènes à déguisements ou tenues hautement improbables. Qu'il est déstabilisant de voir cet être que l'on croyait invincible, cybernétique, ramené à la condition de simple humain par la plus commune des raisons. Sydney Bristow, jadis walkyrie virevoltante, traîne péniblement sa misère, le visage bouffi, l'air ailleurs, nage dans ses nippes de femme enceinte. Avoir échappé à ce que la Terre compte de tueurs sanguinaires et impitoyables pour se voir terrassée par son propre foetus : bordel, c'est quoi ce message ?!

Etrangement, pour la première fois peut-être depuis le début de la série, j'ai pris le temps de regarder la série avec plus de recul, d'analyser les expédients mis en oeuvre par des scénaristes et des producteurs que l'on devine marris. Introduction de nouveaux personnages, mise en place de nouveaux dispositifs narratifs (avec Sydney qui devient le mentor d'une nouvelle espionne débutante), recours encore accru à des coups de théâtre totalement démentiels : tout y passe. Déterminant sine qua non de la série, le quota "bombasses" reste atteint grâce à l'arrivée de personnages hautement photogéniques (la blonde Rachel Nichols, parfaite en oie blanche, Amy Acker, jolie vilaine et Elodie Bouchez, plus discutable en espionne chevronnée). L'honneur est sauf, mais cela ne suffit pas totalement à maintenir la tension sur le début de saison, qui pâtit énormément de la situation particulière de son héroïne, et qui pédale donc allègrement dans la semoule. Pour le reste, business as usual, on marche mais presque à contrecoeur (-"Ah mais attends, tu es une espionne tueuse mondialement recherchée" -"Oui mais en fait je veux t'aider car je suis gentille" -"Ah bon OK alors").

La seconde partie de la saison, beaucoup plus enlevée, est évidemment marquée par l'accouchement de Sydney Bristow, et par le retour aux affaires d'une Jennifer Garner encore empruntée, mais infiniment plus efficace et charismatique que ses faire-valoir. L'épisode qui marque ce grand retour est le meilleur de la saison, percutant, bien écrit, drôle et haletant. Les épisodes suivants gardent le rythme pour un finale surchargé, excessif mais assez stimulant.

Le spectacle culmine logiquement lors d'un ultime épisode qui symbolise à lui seul les qualités et les défauts de la série : une action frénétique et invraisemblable, jamais dénuée d'humour, et un scénario qui ne recule jamais devant une incohérence pour garantir la persistance du suspens et de la tension. En orchestrant le retour (et le destin) de tous les personnages majeurs de la saga, le dernier épisode brasse allègrement les thématiques principales sur lesquelles elle s'est construite, pour un résultat déconcertant.

Assez loin des standards définis par les saisons 2 et 3, largement les meilleures de la série, cette dernière saison clôt "Alias" sur un sentiment mi-figue mi-raisin : encore une fois, j'ai dévoré les épisodes les uns après les autres sans le moindre ennui... mais sans non plus sentir la profondeur de champ qui pouvait donner leur ampleur aux moments les plus marquants de la saga. L'essoufflement déjà sensible lors de la saison 4 devient plus incontestable, et la vérité ultime d'"Alias" se fait alors jour : c'était vraiment bien, mais il faut passer à autre chose maintenant...

30 juillet 2009

Vinyle #4 - The Ramones - Road To Ruin

L'instinct est un bien étrange ami. Lorsque j'ai mis la main sur ce disque à la pochette fatiguée, marquée par les années et encore ornée du sigle "Best Buy Series", j'ai su que ce choix était juste. Que cette drôle de galette noire, cherchant à échapper à son destin bidimensionnel par des courbures presque comiques, était le vecteur idéal pour la musique des Ramones. Devinez quoi ? L'instinct ne m'avait pas trompé.

Pendant longtemps, les Ramones n'ont été pour moi qu'une fiction, un nom récurrent dans les colonnes de Rock'n'Folk, un vocable systématiquement suivi d'onomatopées au ridicule consommé, symbolique d'une figure tutélaire à la fois vénérée et raillée. Un Cthulhu du punk. L'équivalent musical du Coyote à la poursuite de Bip-Bip. J'ai été déçu lorsque par le biais de CD ou de fichiers numériques de provenances diversement légales, j'ai enfin ajouté, avec un enthousiasme modéré mais poussé par la rigueur compulsive de l'exégète, les Ramones à ma culture musicale. Ce qui paraissait d'une rapidité frénétique à l'époque semble presque plan-plan trente ans après.

C'est le mirobolant "Please Kill Me" qui m'a permis de comprendre à quel point les Ramones valaient mieux que cette image tenace d'amuseurs publics, de crétins juste bons à amuser la galerie. Les Ramones étaient aussi, et surtout, une sublime bande d'écorchés vifs, préférant masquer leur inadaptation profonde au monde de la fin des années 70 sous le masque d'une inanité presque conceptuelle et s'ils ont choisi d'adopter collectivement le même patronyme fictif, c'est bien plus le signe d'une solidarité entre âmes endommagées que la volonté d'asseoir une imagerie de cartoon.

Stupides, les Ramones ? Certainement pas, ou assurément moins que l'on ne veut bien l'imaginer. Trente ans après, et alors que la moitié des membres originels du groupe ont déjà cassé leur pipe, leurs premiers disques tiennent encore bien la route. Paradoxe : les Ramones ont créé le rock binaire ultime, et pourtant leur musique refuse obstinément d'être résumée par une succession de 0 et de 1. Le vinyle craque, sature, saute parfois, bref vit, palpite : soudain ces chansons (enfin, cette chanson répétée 12 fois) s'animent, échappent au carcan numérique, et tout semble prendre sa place, à l'unisson de ces musiciens si approximatifs qu'ils parviennent à ériger la maladresse en religion. Qu'importe si la musique se répète à l'infini : au gré des rayures du disque, le parcours change à chaque écoute, cadavre exquis de suites d'accords si simplifiées qu'elles deviennent les briques interchangeables d'un Lego sonore.

Alors, enfin, les Ramones apparaissent-ils dans toute leur grandeur dérisoire, ou leur dérisoire grandeur, alors le talent atypique de parolier de Joey Ramone, concis et potache, prend-il son essor, bien moins comique qu'il n'y paraît tant il exsude le désarroi et la frustration...

"Hanging out of Second Avenue
Eating chicken vindaloo
I just want to be with you
I just want to have something to do tonight"

Je m'autorise à croire que lorsqu'il a écrit ces lignes, à l'instinct, forcément à l'instinct, Joey Ramone a tout de suite senti que ces paroles étaient justes.

26 juillet 2009

Nick Hornby - Slam

"Slam" ou "Le Petit Nicolas fait un bébé"... Les romans de Nick Hornby, depuis plusieurs années, se bornent à confirmer ce que l'on pressentait confusément : l'Anglais avait épuisé en deux livres ("Carton Jaune" et "Haute Fidélité") les seuls sujets sur lesquels il avait vraiment des choses à dire, le football et la musique. Depuis, il cherche à traiter de problèmes moins apparemment triviaux : l'amour en général, le devenir de l'amour dans la famille en particulier. Nobles thèmes en vérité, mais qui dans la pratique se prêtent mal au traitement "hornbyen" qui est, précisément, une écriture de la légèreté. Le charme des meilleurs livres de Hornby naît de l'habileté de ce dernier à faire comprendre au lecteur, par allusions, par ellipses ou au besoin à grands renforts d'humour, des choses plus profondes qu'il n'y paraît. C'est délicieux, aussi léger qu'une bulle de champagne, mais sans prôner le pathos et la démesure, je pense qu'à tout traiter sur le même mode détaché, on finit par ne plus creuser beaucoup plus profond que la surface.

"Slam" narre les mésaventures de Sam, 15 ans et fan de skate, dont la vie bascule lorsque sa petite amie Alicia lui annonce qu'elle est enceinte et qu'elle compte (évidemment) garder l'enfant. Outre les problèmes pratiques évidents, "Slam" se développe via les relations des deux enfants avec leurs parents (Sam et sa mère de 32 ans, Alicia et ses parents confits de certitudes), ce qui lui permet de gagner en épaisseur et en cocasserie. Pour le reste (et sur un sujet, je l'avoue, qui me touche plus d'autres), les pérégrinations de Sam paraissent bien bénignes, et le bouleversement absolu que devrait représenter l'arrivée de l'enfant chez cet étrange petit couple s'apparente à une péripétie bénigne du quotidien. Il n'est que de voir à quel point Hornby semble engoncé lorsqu'il lui faut aborder des événements qui s'éloignent de sa conception lissée de la narration : le sexe en est probablement le meilleur exemple. Alors que "Slam" est, fondamentalement, bâti autour de la question du sexe chez de jeunes adolescents, la chose proprement dite est évacuée en quelques phrases mal assurées qui sont censées représenter la pudeur et le malaise de Sam, mais dont on ne perçoit que trop bien à quel point elles reflètent l'angoisse de l'auteur à s'attaquer à ces difficultés.

On pressentait déjà cette limite dès "Carton Jaune" : à intellectualiser sa passion, Hornby en idéalisait certains aspects, et à lire "Football Factory", de John King, beaucoup plus rustre et physique, on comprenait que certains sujets ne sont pas faits pour être toujours pris avec des pincettes. Au final, ce qui sauve "Slam", comme les précédents romans de Hornby, c'est la plume toujours alerte de l'auteur, jamais avare d'une bonne formule, d'une remarque qui fait mouche. Je ne vais pas cracher dans la soupe : "Slam" se lit vite, sans aucun ennui, la lecture distrait souvent, émeut même parfois. Ce n'est donc pas, loin s'en faut, un mauvais livre, mais simplement un bon moment vite oublié, sur un sujet pas si anodin que cela, et qui aurait sans doute mérité mieux.

18 juillet 2009

Ryskee - Leave Me Amor

A nouveau, une unique chanson (deviens-je gâteux au point de ne plus être à même de chroniquer des albums ?) pour ce billet. Notons cependant que Leave Me Amor de Ryskee est proposé sur les plates formes de téléchargement légal sous la forme d'un ensemble de 14 mixes différents. C'est un rien exagéré. Certains sont tout à fait écoutables (Bloody Beetroots, SPA ou l'étrange reprise acoustique de Yann Destal), mais je m'arrêterai surtout sur l'incroyable "Play Paul remix", qui donne à la chanson toute sa mesure. Sous les mains de son créateur (puisque Ryskee est un nom d'emprunt pour le nouveau projet dudit Play Paul), Leave Me Amor est LA pépite douce-amère de l'été : son électronique eighties sous haute influence New Order, refrain "plus accrocheur tu meurs", mélodie encore plus addictive que le Toblerone... Je ne vais pas en écrire des pages, mais ça passe en boucle sur mon baladeur, c'est kitsch et pourtant élégant, gai et triste à la fois, bref c'est bien.


17 juillet 2009

Dr House - Saison 1

Il serait exagéré de me positionner en exégète d'une série quelle qu'elle soit ; le nombre incroyable de séries marquantes parues ces dernières années est tel que s'y retrouver vraiment nécessite une activité de visionnage à plein temps ou presque. Moyennant quoi je m'en tiens, avec un succès variable, à quelques fleurons identifiés du genre. Parmi les derniers en date, le feuilleton qui fait les choux gras des soirées de TF1 : "Dr House". J'avoue avoir attaqué cette première saison avec un a priori suspicieux. A priori injustifié, certainement, car sans faire de Gregory House un personnage aussi marquant que Dale Cooper ou Nate Fisher, cette entrée en matière est d'un bon niveau.

La bonne idée de "Dr House" est de se démarquer très rapidement d'"Urgences", le fleuron inégalable du genre hospitalo-frénétique, et de placer ses protagonistes dans un obscur service de diagnostic dont l'activité est, par nature, sporadique et limitée. Le suspense et la tension ne viennent donc pas de l'avalanche de cas différents et de points de vue multiples sur un hopital / ruche, mais de l'énigme quasi-policière posée aux médecins par les symptômes atypiques proposés au service de diagnostic.

La formule "un épisode / un cas" fait merveille en début de saison, puis commence à patiner, on comprend vite que la série ne pourra pas reposer durablement sur cette recette. Visiblement les scénaristes également, puisqu'ils introduisent progressivement, et avec plus ou moins d'habileté, différents expédients classiques destinés à pimenter chaque épisode : le corps étranger (un suspicieux mécène qui prend la possession de l'hôpital), des histoires de coeur et des intrigues personnelles qui permettent de développer aussi bien le héros lunatique de la série que ses faire-valoir qui gagnent en épaisseur. C'est ainsi que l'on s'attache peu à peu à Gregory House, l'improbable médecin surdoué et misanthrope, arrogant et charismatique, qui mène à la baguette l'insignifiant petit monde qui gravite autour de lui... et c'est surtout ainsi que l'on gobe assez allègrement les spectaculaires énormités qui parsèment la série : postulat de départ invraisemblable, cas tordus à répétition, péripéties parfois repérables à 15 km de distance...

La première saison de "Dr House" n'est pas inoubliable, certaines faiblesses et grosses ficelles un poil trop voyantes sont à regretter. Mais l'originalité du concept et le charisme du héros, alliés à des dialogues très bien écrits, permettent de s'attaquer à la deuxième saison avec impatience. Differential diagnosis, people !

14 juillet 2009

Moby - Mistake

Une seule chanson pour ce bref billet - je ne suis pas encore tout à fait certain de trouver l'énergie de chroniquer "Wait For Me", le dernier et assez estimable album de Moby, sur Indiepoprock. Mistake, deuxième single tiré de l'album, en est probablement le chef-d'oeuvre.

Moby a toujours été insaisissable, difficile à cerner, tour à tour stupéfiant et ridicule, sympathique et détestable. On lui sait gré d'avoir lui-même défini avec "Play" les standards d'une certaine vision de la musique électronique, et dans le même temps on le déteste pour avoir fait tourner cette formule à la parodie, et engendré quelques pénibles rejetons... Je ne suis pas certain que Mistake aide réellement mieux à comprendre l'énigme Moby, mais cette chanson permet de se souvenir qu'on n'a pas toujours eu tort de l'aimer.

Mistake est un titre terrassant d'élégance, sa mélodie, simple et directe, va droit au coeur alors même que le cerveau enregistre la finesse d'une structure qui s'appuie sur un décalage entre les changements d'accord et les phrases chantées doucement par Moby lui-même, sur des intonations très inspirées par Matt Berninger, le charismatique leader de The National. Quant aux paroles, à la fois absconses et universelles, elles ne peuvent que faire mouche - qui ne voudrait pas faire sienne une phrase comme "Don't let me make the same mistake again" ? Une chanson à la fois taillée pour le succès et plus exigeante qu'il n'y paraît : on peut toujours passer à côté ou se la passer en boucle, personnellement j'ai fait mon choix.

Enfin, même lorsqu'il interprète à la télévision française une version assez médiocre de cette splendeur hiératique, Moby porte un T-Shirt des Stooges. Il lui sera ainsi beaucoup pardonné.


13 juillet 2009

Douglas Coupland - Eleanor Rigby

Je n'avais jamais lu aucun livre de Douglas Coupland. Plus précisément, j'avais entamé "Generation X" en version anglaise, et avais abandonné au bout de quelques pages, rebuté par la difficulté que je rencontrais à comprendre ce que je déchiffrais... Un obstacle bien étrange car à la lecture d'"Eleanor Rigby" (en français, certes) et de ses phrases toutes simples, l'alternative est simple : soit les deux livres n'ont rien à voir, soit mon anglais n'est plus vraiment ce que j'aimerais qu'il soit encore.

Ceci, toutefois, est relativement anecdotique. Ce qui importe en revanche, c'est que j'aie pris du plaisir à lire "Eleanor Rigby". Voici un livre bref, au rythme alerte, qui se dévore d'une traite ou presque et qui se paie même le luxe de tirer une petite larme d'émotion dans ses dernières pages. Nous voici ainsi conviés à découvrir l'histoire de la vie de Liz Dunn, femme terne et sans intérêt, de son propre aveu parfaitement transparente, une vie aux péripéties sans réel rapport avec l'apparence lisse de cette héroïne rondelette. Le paradoxe d'"Eleanor Rigby" devient alors patent : comment adhérer véritablement à la translucidité absolue de son personnage principal (qui est pourtant le fait générateur du récit) alors que s'alignent au cours des chapitres des rebondissements aussi ahurissants les uns que les autres ? Je n'ai pas de réponse, mais "Eleanor Rigby" n'aurait certainement pas été aussi divertissant sans ces révélations à répétition... L'éloge de l'insignifiance tourne court.

Deux choses, tout de même, m'interpellent : j'avais cru comprendre, à lire plusieurs articles, que Coupland était assez largement considéré comme un auteur majeur de ces dernières années. N'ayant pas lu ses autres ouvrages, je ne peux livrer un avis valable sur la question, mais en dépit de ses très nombreuses qualités, "Eleanor Rigby" demeure un roman mineur, aussi agréable et distrayant que finalement superficiel. Quant au propos sous-jacent, il paraît bien léger, voire cucul-la-praline : s'agit-il de démontrer que même les personnes les plus insignifiantes en apparence peuvent avoir des secrets, une vie plus riche qu'il n'y paraîtrait de prime abord ? Ou bien faut-il le voir comme un abaissement du lecteur, qui, n'ayant pas vécu le dixième des aventures Liz Dunn, en serait réduit à la conclusion qu'il est en réalité encore plus transparent que cette vieille fille censée incarner le dérisoire ?


("Eleanor Rigby" est disponible chez 10-18 en format de poche, grâce soit rendue à Marie-Laure pour m'en avoir offert un exemplaire !)

6 juillet 2009

Joey Goebel - The Anomalies / Torturez l'Artiste !

Joey Goebel n'a pas marqué l'histoire de la musique ; sa biographie évoque pourtant des participations à des groupes aussi vitaux que The Mullets (?) et Novembrists (?!). Nul doute que ces expérience, pour peu rémunératrices qu'elle aient été, nourrissent aujourd'hui son oeuvre de romancier. Ses deux premiers romans, "The Anomalies" et "Torturez L'Artiste !" ont été publiés il y a peu en France.

Dans "The Anomalies", Goebel narre les péripéties improbables vécues par un groupe composé de personnages tout aussi improbables (une mamie obsédée et une gamine de 7 ans, un Irakien, un démiurge marginal...). Bref et percutant, "The Anomalies" se lit sans déplaisir, mais ses parti-pris invraisemblables en sapent quelque peu l'effet. A force de rechercher l'originalité et le décalage à tout prix, Goebel oublie un peu le lecteur en cours de route. Ce qui peut s'avérer réciproque.

On retrouve également cette quête effrénée de marginalité dans la fable "Torturez l'Artiste !", qui nous narre les tribulations d'un agent artistique pas tout à fait comme les autres. Embauché par une mystérieuse corporation, il se voit contraint de prendre sous son aile un enfant au talent particulièrement prometteur. Partant du principe qu'un artiste malheureux produira ses oeuvres les plus essentielles, son travail consistera à s'assurer que son poulain soit systématiquement voué au malheur, et qu'ainsi il produira des oeuvres d'art exceptionnelles. Mieux écrit, beaucoup plus ambitieux que le finalement très préado "Anomalies", plus vicieux également, "Torturez l'Artiste !" se lit d'une traite, avec un plaisir non feint. Toutefois on reste à quelques longueurs de l'adhésion totale, en particulier à cause de cet aspect volontairement irréel.

Goebel a une plume, un ton et c'est déjà beaucoup. Il lui reste à trouver un équilibre ; pour l'instant, il séduit par son originalité et pêche à force de l'afficher comme une bannière gigantesque. C'est vrai que c'est compliqué, finalement, un lecteur...