25 mai 2009

Clinton Heylin - Babylon's Burning

Punk's not dead : ce slogan a rarement été aussi vrai que ces dernières années. Je trouve incroyable (mais révélateur) le nombre de livres parus depuis le début du siècle qui paient leur tribut à cette période de l'histoire de la musique populaire, que ce soient des romans (John King, par exemple, ou beaucoup de romans noirs) ou des ouvrages à vocation critique et documentaire, au premier rang desquels Please Kill Me ou England's Dreaming, les pavés édités en France par Allia.

Babylon's Burning joue un rôle particulier : ce poids-lourd (plus de 700 pages, tout de même) se veut une somme sur le punk au sens large, toutes origines géographiques confondues, toutes périodes confondues. Il commence donc avec Television et Patti Smith pour s'achever avec Nirvana et le suicide de Cobain, en passant entre-temps par la cold-wave et le hardcore américain. L'exhaustivité est impressionnante, l'ouvrage est documenté avec sérieux, et pourtant Babylon's Burning gêne un peu aux entournures. Pourquoi ?

Tout d'abord le style : pas toujours facile à suivre du fait de la prolifération de noms et de surnoms (on n'est pas si loin d'un Dostoïevski !), cette encyclopédie souffre d'une écriture plate et sans élégance. Ensuite Heylin surprend par certains parti-pris. Ainsi, il se paie explicitement la tête du Clash, en visant en particulier Joe Strummer (pas bien de se moquer des morts) qu'il fait passer pour un gentil crétin. La quatuor est ainsi dépeint comme une bande de révoltés à la petite semaine, prêts à tout au final pour arriver à enchaîner les tubes. Ce n'est pas forcément faux, mais en l'absence d'argumentation construite, ça ressemble surtout à un petit règlement de comptes. De même, la dérive de Sid Vicious et Nancy Spungen est expédiée en une ligne, le suicide de Ian Curtis en deux pages : cette volonté de hiérarchisation minimale entre les divers événements débouche sur un récit curieusement atonal. C'est peut-être voulu, mais à titre personnel, j'aurais imaginé un récit bien plus vivant pour cette période à la fois truculente et tragique.

Reste que Babylon's Burning regorge d'informations de toutes sortes, et se dévore sans déplaisir. C'est déjà énorme, mais voici une lecture qu'il faut absolument mettre en perspective avec d'autres ouvrages traitant des mêmes périodes.

Vinyle #1 : Beats International - Dub Be Good To Me


J'inaugure aujourd'hui ma collection de vinyles bien timidement. Ma première conquête, acquise de haute lutte, est un single peu connu de 1990 : Dub Be Good To Me de Beats International.

Dub Be Good To Me reste (vaguement) célèbre pour son sample paresseux mais tellement efficace de la basse de Paul Simonon (Guns Of Brixton), mâtiné d'un rythme reggae et d'une partie d'harmonica tirée d'"Il était une fois dans l'Ouest". On peut retenir également que ce titre marque la première incursion dans le domaine de la musique dansante d'un ancien bassiste de pop fraîchement reconverti, Norman Cook, que la postérité retiendra vraisemblablement sous son pseudonyme ultérieur : Fatboy Slim ...

A l'arrivée, Dub Be Good To Me n'est pas aussi séminal qu'un Beat Dis (Bomb The Bass) ou un Pump Up The Volume (M.A.R.R.S.) mais préfigure en bien des domaines les révolutions musicales à venir. Accessoirement, c'est tout de même une belle petite madeleine, dansante, ludique et matoise...

Le clip, pour finir, n'est pas forcément mémorable, mais me semble tellement représentatif de son époque que je ne résiste pas au plaisir de vous le remémorer :

Metallica - Master Of Puppets

Je continue ma courte incursion dans le domaine du metal avec un classique absolu du genre. Un choix pas très original, je l'admets, mais incontestable.

Si la New Wave of British Heavy Metal, emmenée notamment par Iron Maiden, a fait les grandes heures du genre au crépuscule des années 70, les eighties ont été, elles, le théâtre d'une évolution spectaculaire du genre metal vers la brutalité le plus crue. Un glissement progressif de la violence qui a trouvé naturellement son aboutissement avec le grind-core ou le death-metal, soit les deux formes les plus explicitement insoutenables de la chose, au cours des années 90. La longue (et souvent hilarante) liste des différents sous-genres a ainsi bourgeonné de façon incroyable, à partir de deux branches principales : le speed-metal, incarné par l’icône Metallica et le thrash-metal, dont le fer de lance n’est autre que Slayer, récemment abordé en ces pages.

"Master Of Puppets" est très largement considéré comme l’aboutissement ultime de Metallica – et comme leur dernier grand album, avant une perte de vitesse progressive qui confinera à une véritable compromission durant les années 90. Après "Kill Them All", premier essai violent mais assez classique, c’est avec "Ride The Lightning" que le quatuor a trouvé son style, fait de riffs ultra-rapides, débités par des guitares au son de mitraillette, et propulsés par une batterie explosive. "Master Of Puppets", finalement, est bien moins innovant que "Ride The Lightning", et se base exactement sur la même démarche. La force de Metallica, c'est la précision chirurgicale de ses musiciens : la rythmique délivrée par Hetfield est littéralement diabolique, et la batterie de Lars Ulrich s'apparente à une arme de destruction massive. On trouve bien des lignes de basse dans ses morceaux, mais pour tout dire, leur rôle est tellement subalterne qu'on a plutôt tendance à les oublier (mettons évidemment de côté le court instant de gloire de Cliff Burton sur Orion). Enfin il faut évidemment rendre grâce à Kirk Hammett pour sa remarquable aptitude à éviter les clichés du soliste métalleux. En réussissant l'alchimie ultime entre la violence crue du groupe et les finesses de gammes cryptiques (ah, les lydiennes, doriennes et autres mixolydiennes...), il apporte une dimension supplémentaire souvent oubliée, mais en vérité capitale.

Enfin l'approche musicale de Metallica est basée sur une véritable maîtrise de la composition et sur une démarche ambitieuse : les chansons sont longues, complexes, leurs structures sont volontiers tarabiscotées. Master of Puppets représente le sommet du genre, avec près de 9 minutes de cavalcade épique. De Battery à Orion, le sublime instrumental qui clôt presque l'album, il serait vain de chercher une faiblesse, une faille dans la cuirasse : le char d’assaut Metallica est totalement infaillible. On trouve évidemment déjà les traces d’une inclination future à ralentir le tempo et à se livrer à quelques instants d’apaisement (sur Master of Puppets ou Sanitarium), un exercice ici parfaitement maîtrisé, mais qui allait se révéler bien plus ennuyeux par la suite, avec par exemple le funeste Nothing Else Matters...

18 mai 2009

Slayer - Seasons In The Abyss


C'est vrai, le metal ne fait pas partie du fonds de commerce vilement exploité céans ; mais avouons-le, s'astreindre à la finesse, à l'élégance et à la distinction relève parfois du sacerdoce, aussi le chroniqueur indiepopeux s'adonne-t-il plus souvent qu'on ne le croit aux joies du headbanging. Parfois, on a juste envie de crier : fuck Belle & Sebastian, et vive Metallica. Chanter les louanges de Slayer, cependant, revêt toujours un aspect délicat, tant l'aura du groupe s'entoure d'on-dits sulfureux ; aux premiers rangs de ceux-ci, les spéculations récurrentes quant à des penchants politiques assez peu recommandables. J'aurais pour ma part tendance à penser que tout d'abord, le punk et le post-punk ne sont pas exempts de tout reproche quant à leur fascination pour le 3ème Reich... Ensuite que ce qui marque la démarche d'un groupe comme Slayer, c'est aussi et surtout une véritable fascination pour le mal, dans toutes ses incarnations, des plus mythiques et caricaturales aux plus réalistes et tragiques. La fascination n'impliquant pas forcément l'adhésion aux thèses nazies, il me semble que Slayer ne mérite pas cette assimilation.

Si "Seasons In the Abyss" n'est pas, selon les canons consacrés, le meilleur album de Slayer, il représente en revanche un excellent round d'observation. Sans aucun compromis (à la différence de Metallica, Slayer n'a jamais mis la moindre goutte d'eau dans son vin), il bénéficie en revanche d'une production soignée, et s'avère basé sur des morceaux plus faciles d'accès que sur certains autres albums. Et comme toute la discographie du groupe, il est parfaitement représentatif de ce qui fait son unicité : une incroyable capacité à transcender le grand-guignol. Là où, avec des histoires de vivisection, de nécrophilie et autres joyeusetés, beaucoup versent dans un ridicule consommé et deviennent risibles à force d'exagération, Slayer réussit réellement à impressionner et faire peur. La recette miracle : une approche musicale brutale, directe et très proche finalement du hardcore. Des chansons brèves, sans affèteries, à mille lieues de délires progressifs. Une voix poussée à bout et authentiquement torturée, mais jamais travestie. Au final, une force de frappe sans pitié au service d'une machine à distiller de la rage.

Dès War Ensemble, une tuerie thrash à la violence indicible, le ton est donné ; les riffs sanguinolents délivrés par la paire de guitaristes Hanneman et King cisaillent les oreilles, tandis que la batterie de Dave Lombardo mitraille à coups de double grosse caisse. La production de Rick Rubin et Andy Wallace, donne au groupe un son plein, et permet à son agressivité de prendre toute son ampleur. Dead Skin Mask représente l'un des sommets de l'album, les images malsaines des textes d'Araya s'imprimant durablement dans l'imaginaire de l'auditeur. Quant au morceau titre, qui clôt magistralement un ensemble de haute volée, c'est un autre moment de bravoure, avec une introduction inquiétante qui se voit concassée par une accélération rythmique soudaine.

Ce type de disque n'est évidemment pas à conseiller à toutes les oreilles, mais il est bon parfois de se pencher sans a priori sur le metal : la puissance de certains albums transcende de toute façon les genres...

17 mai 2009

Auditeur tortionnaire


Lors d'une récente soirée entre amateurs de musique, la conversation a dérivé quelques instants sur Chan Marshall (Cat Power), et sur l'évolution récente de sa musique. Le discours qui prévalait correspondait en substance au constat suivant : "Chan Marshall semble beaucoup mieux dans sa peau, moins fragile, moins dépressive... et depuis ses disques deviennent beaucoup moins intéressants".

Nous sommes fans de Nick Drake (mort), de Joy Division (morts à hauteur 25%), de Nirvana (morts à hauteur de 33%), d'Elliott Smith (mort), pour certains de Britney Spears, Pete Doherty ou Amy Winehouse (vivants, mais le compte à rebours est lancé)... Et lorsqu'une de nos idoles s'éloigne de la mort, on la trouve moins intéressante. On se retrouve ainsi dans une situation paradoxale où l'on en vient à souhaiter, de façon indirecte, que les artistes que l'on aime souffrent. Une idée par ailleurs développée dans le pas inintéressant "Torturez l'artiste", un roman de Joey Goebel dont je reparlerai peut-être céans.

Tentative de retour aux affaires

Je me rends compte qu'il n'est pas chose aisée de faire cohabiter deux activités "éditoriales" sur Internet, quand les deux relèvent d'un loisir et rognent donc le temps libre... Certains membres d'Indiepoprock (je ne donnerai pas de nom, mais vous les retrouverez facilement) résolvent partiellement l'équation en publiant, en parallèle, leurs articles sur leurs (excellents) blogs et sur Indiepoprock. Pour des raisons qui ne regardent que moi (comprendre : "je sais pas bien pourquoi"), je trouve que ce n'est pas du jeu. Le résultat est là : ce blog est moribond, et inalimenté depuis début 2008.

Ceci représente ainsi la seconde tentative de réanimation de ces pages, je l'espère moins éphémère que la précédente...