20 février 2010

Japandroids - Post-Nothing

J'ai découvert sur le tard le premier album de Japandroids. J'aurais vraiment aimé voir le groupe cette semaine sur scène ; à défaut voici un petit retour sur cet album.

Les a priori sont stupides, parfois. Avec leur nom composite (en fait un téléscopage des noms des groupes d'origine de ces deux lascars), les Japandroids évoquent à la première lecture une engeance techno pas forcément ragoûtante. En fait, "Post Nothing" est un album de chair, de sang, de salive, de sueur, de foutre. Un album de fluides vitaux, un album de fluides vital. Un mur de guitares, érigé avec un son tellement saturé qu'on n'arrive jamais vraiment à savoir si tout cela est le fruit d'un seul instrument ou d'une horde de crève-la-dalle armés de six cordes. Une batterie épileptique, qui lutte ce qu'elle peut pour ne pas se faire concasser par les guitares, et qui multiplie les brisures rythmiques et les syncopes comme un animal traqué accumulerait les changements de direction pour échapper à son prédateur. Une voix, parfois deux même si j'hésiterais à parler d'harmonies vocales, entre le chant et le cri, suintant aussi bien l'excitation que la détresse. Miraculeusement, de ce maelström émergent de vraies chansons, des refrains qu'on peut aussi bien fredonner que hurler.

Cet album a la rage, la vraie, une rage teintée de désespoir, et le rock primal délivré par le duo enterre littéralement les productions de bien des groupes portés sur le minimalisme. Certes, ça fait du bruit, c'est très désordonné, ce n'est ni rigoureux ni très élégant. C'est le type d'albums qu'on devine torchés à la va-vite, dans l'urgence de quelques nuits sans sommeil, balancés sans ménagement dans la gueule de l'auditeur comme on balancerait une bouteille à la mer - parce qu'on craint la noyade prochaine. Je n'avais plus ressenti cette excitation, cette urgence avec une telle acuité depuis longtemps - ou sur des disques de hip-hop plutôt que sur des disques de rock.

"Post-Nothing" est un disque qui déferle littéralement sur la tronche, sans sommation, sans trompette mais avec pas mal de tambours. Un disque qui secoue, qui piétine, qui malmène. Un disque qui donne une putain d'impression de se sentir vivant, qui donne envie de s'ébrouer et de pousser de vieux hurlements de damnés le matin dans le métro. Un disque qui fait rêver d'avoir de nouveau vingt balais pour pouvoir écrire à une fille : "It's raining / In Vancouver / But I don't give a fuck / Because I'm alone with you tonight".