J'ai pris la décision de cesser d'alimenter ce blog.
Cette décision ne fait que concrétiser un état de fait que j'ai tenté pendant plusieurs semaines de contredire. Qui trop embrasse mal étreint ; pour faire vivre un blog, il faut écrire souvent, le faire savoir aussi, deux tâches qui demandent un travail que je ne suis plus à même de fournir.
J'en tire quelques regrets car j'aimais bien pouvoir parler à ma guise de football, de musique, de livres. J'avais envie de vous entretenir de bien d'autres sujets, de vous faire partager d'autres engouements. Pour ceux que j'aurai le plaisir de croiser, cela se fera de vive voix. Ce qui n'est pas plus mal après tout.
A très bientôt et merci !
Tristan
25 juin 2010
24 mai 2010
Vinyle #10 - David Sylvian - Secrets Of The Beehive
Au sein de Japan, le dandy David Sylvian avait incarné le summum d'une vision élégante et sophistiquée de la pop synthétique ; au-delà du son très new-wave, le groupe, initialement d'obédience glam-rock, avait su ouvrir des perspectives insoupçonnées, vers le funk ou le jazz notamment. La singularité de Japan tenait beaucoup à la voix profonde et veloutée de Sylvian, à son chant classe et détaché. Après la séparation de Japan, la carrière solo de David Sylvian a connu des réussite très diverses, une poignée de très beaux disques en côtoyant d'autres beaucoup plus dispensables. "Secrets Of The Beehive", généralement considéré comme le meilleur album de l'Anglais, est un parfait condensé de rock intello tel que la discipline pouvait se pratiquer au cours des années 80. Parfait presque jusqu'au cliché : on reconnaît sur la pochette le design tordu et froid de Vaughan Oliver. Pour tout dire, il est même surprenant qu'un tel disque soit sorti sur Virgin et non 4AD.
Mélodies riches, volontiers complexes, portées par des arrangements très travaillés (cordes, piano, synthétiseurs, percussions), "Secrets Of The Beehive" est clairement le fruit de l'ambition d'un musicien qui a de son art une très haute idée. Cela pourrait s'avérer horriblement prétentieux mais David Sylvian réussit avec intelligence à éviter le piège en gardant une belle humilité et une sobriété qui ne sont pas sans rappeler les grandes heures du Mark Hollis de Talk Talk. L'ouverture vers le jazz, évidente, se fait alors d'abord par un travail hallucinant sur les textures sonores (comme sur Let The Happiness In, où les percussions répondent en douceur aux cuivres), puis par l'utilisation parcimonieuse de chaque instrument, rappelant les vertus de l'équilibre plutôt que de la surcharge. Les morceaux les plus dépouillés figurent parmi les plus réussis, comme The Devil's Own ou le splendide Maria, sur lequel la voix de Sylvian, nimbée d'écho et de nappes synthétiques diaphanes, arrache des frissons.
Déjà impressionnant dans sa première moitié, l'album prouve toute sa force au cours d'une seconde face de très haute volée. Les compositions y sont plus équilibrées (plus accessibles de prime abord sans pour autant perdre l'articulation jazz qui en fait toute la profondeur). La pièce maîtresse de l'album, When Poets Dreamed Of Angels, est une des moins riches en arrangements synthétiques : elle offre en contrepartie des parties de guitares acoustiques renversantes, dressant une trame entre flamenco et harmoniques, secondées par des castagnettes qui ajoutent leur part de dépaysement. Mother And Child offre un beau morceau jazzy qui commence comme une rêverie trouble et s'achève en improvisation de piano ; la voix de Sylvian, parfaitement complétée par une basse rêveuse, y est encore terrassante de beauté. Waterfront, probablement la composition la plus simple et directe du disque, bouleverse grâce à l'irruption de cordes qui portent le chant vers de nouveaux sommets tandis que Forbidden Colours, co-écrit avec Ryuichi Sakamoto, maintient l'intensité pour un final beau à pleurer.
"Secrets Of The Beehive" est de bout en bout sophistiqué, presque glacé si on l'écoute d'une oreille distraite ; pourtant sous des dehors austères et hautains, cette musique vibre, vit, palpite. Au-delà de l'ambition, de l'approche cérébrale d'une musique très pensée, Sylvian propose une oeuvre accessible au commun des mortels, pouvant aussi bien donner la chair de poule que s'adresser à l'intellect : un remarquable travail d'équilibriste. Je ne saurais trop recommander toutefois l'écoute de cet album sur vinyle, de crainte que la froideur numérique n'ôte à cette musique splendide les vibrations qui lui permettent de représenter bien plus qu'un superbe travail de production : un disque d'introspection, de voyage intérieur, une oeuvre à part.
Mélodies riches, volontiers complexes, portées par des arrangements très travaillés (cordes, piano, synthétiseurs, percussions), "Secrets Of The Beehive" est clairement le fruit de l'ambition d'un musicien qui a de son art une très haute idée. Cela pourrait s'avérer horriblement prétentieux mais David Sylvian réussit avec intelligence à éviter le piège en gardant une belle humilité et une sobriété qui ne sont pas sans rappeler les grandes heures du Mark Hollis de Talk Talk. L'ouverture vers le jazz, évidente, se fait alors d'abord par un travail hallucinant sur les textures sonores (comme sur Let The Happiness In, où les percussions répondent en douceur aux cuivres), puis par l'utilisation parcimonieuse de chaque instrument, rappelant les vertus de l'équilibre plutôt que de la surcharge. Les morceaux les plus dépouillés figurent parmi les plus réussis, comme The Devil's Own ou le splendide Maria, sur lequel la voix de Sylvian, nimbée d'écho et de nappes synthétiques diaphanes, arrache des frissons.
Déjà impressionnant dans sa première moitié, l'album prouve toute sa force au cours d'une seconde face de très haute volée. Les compositions y sont plus équilibrées (plus accessibles de prime abord sans pour autant perdre l'articulation jazz qui en fait toute la profondeur). La pièce maîtresse de l'album, When Poets Dreamed Of Angels, est une des moins riches en arrangements synthétiques : elle offre en contrepartie des parties de guitares acoustiques renversantes, dressant une trame entre flamenco et harmoniques, secondées par des castagnettes qui ajoutent leur part de dépaysement. Mother And Child offre un beau morceau jazzy qui commence comme une rêverie trouble et s'achève en improvisation de piano ; la voix de Sylvian, parfaitement complétée par une basse rêveuse, y est encore terrassante de beauté. Waterfront, probablement la composition la plus simple et directe du disque, bouleverse grâce à l'irruption de cordes qui portent le chant vers de nouveaux sommets tandis que Forbidden Colours, co-écrit avec Ryuichi Sakamoto, maintient l'intensité pour un final beau à pleurer.
"Secrets Of The Beehive" est de bout en bout sophistiqué, presque glacé si on l'écoute d'une oreille distraite ; pourtant sous des dehors austères et hautains, cette musique vibre, vit, palpite. Au-delà de l'ambition, de l'approche cérébrale d'une musique très pensée, Sylvian propose une oeuvre accessible au commun des mortels, pouvant aussi bien donner la chair de poule que s'adresser à l'intellect : un remarquable travail d'équilibriste. Je ne saurais trop recommander toutefois l'écoute de cet album sur vinyle, de crainte que la froideur numérique n'ôte à cette musique splendide les vibrations qui lui permettent de représenter bien plus qu'un superbe travail de production : un disque d'introspection, de voyage intérieur, une oeuvre à part.
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13 mai 2010
Pavement au Zénith - 7 mai 2010
"Stephen Malkmus, le Georges Abitbol du rock"...
Lorsque j'avais interviewé Stephen Malkmus, il y a un peu plus de deux ans, je ne l'avais pas vu croiser les doigts lorsqu'il m'avait affirmé qu'il n'y aurait pas de reformation de Pavement. Quelques mois après, les choses ont visiblement changé et voici que ces huit lettres mythiques viennent allonger la longue liste des réunions de groupes mythiques depuis longtemps disparus... Pavement est en tournée et comme avec les Pixies et My Bloody Valentine, me voilà pris entre deux sentiments : l'impression qu'il n'y a rien de plus derrière tout cela qu'une bonne poignée de dollars d'une part, d'autre part la certitude que si je passe à côté de ces concerts j'en nourrirai de sérieux regrets, même s'il faut pour cela s'aventurer une fois de plus dans cette horreur acoustique qu'est le Zénith...
Rares sont les premières parties qui trouvent grâce aux yeux du public. Ce soir la donne est différente car Pavement se fait accompagner d'une pointure : The National, quelques jours avant la parution de leur nouvel album "High Violet". Malheureusement, j'arrive au Zénith avec du retard et le set des Américains est déjà bien entamé. Matt Berninger, la silhouette épaissie, le visage un peu bouffi, a visiblement pris un coup de vieux et sa voix semble fatiguée sur cette fin de concert. En revanche, le groupe est toujours aussi merveilleusement en place. Je regrette de n'avoir assisté qu'aux derniers morceaux car ceux que j'ai pu voir (pour "High Violet", Terrible Love ou le fabuleux England) m'ont tout simplement laissé pantois. Ce groupe est grand et pendant l'entracte, je me demande si l'on dira dans quelques jours que l'on a vu The National en première partie de Pavement ou Pavement en seconde partie de The National...
Pavement entre en scène et ces simples silhouettes incertaines se mouvant dans la pénombre déclenchent en quelques secondes un torrent d'émotions contradictoires, de l'incrédulité - Pavement, bon sang ! - à l'appréhension - à quoi ce concert va-t-il ressembler ? Un magma de guitares informes résonne et l'on sent distinctement un petit temps de latence dans l'audience interloquée. Lorsque le tout prend consistance et que l'on reconnaît l'intro de Silence Kid, les premières acclamations enthousiastes se font entendre. Nous sommes de nouveau jeunes, "Crooked Rain Crooked Rain" vient de sortir, la machine à remonter le temps fonctionne à plein régime. En étant indulgent, je pourrais écrire que rien que pour cela, ce concert valait la peine : on n'a pas encore entendu une seule chanson mais l'allégresse douce-amère qui me submerge pourrait presque m'arracher quelques larmes. Le début du concert ne lève cependant pas toutes les inquiétudes, Pavement a visiblement du mal à se mettre en place, la voix de Malkmus est inaudible - pourtant les titres choisis dessinent déjà une setlist incroyable et exigeante.
Petit à petit (notamment à partir d'une version furieuse de Two States), le show se met en place. Stephen Malkmus fait son Malkmus. Le Georges Abitbol du rock, l'homme le plus classe du monde indie, prend quelques poses de rock star ironique, toujours décalé, montre même quelques signes de lassitude sans que l'on puisse déterminer avec certitude s'il méprise réellement le public ou bien s'il joue gentiment avec lui. Malgré l'acoustique déplorable du Zénith, le son demeure acceptable quoiqu'évidemment bien trop fort et le groupe joue de plus en plus juste au fil des morceaux. La prestation est très carrée, ce qui se révèle presque dérangeant pour un groupe comme Pavement dont la nature profonde est d'être bancal. Range Life, notamment, souffre d'un traitement rock couillu qui dénature cette pépite country débraillée.
La setlist est très orientée sur les premiers albums, plus de la moitié des titres joués ce soir provenant de "Slanted And Enchanted" ou "Crooked Rain Crooked Rain". Le public réagit d'ailleurs avec beaucoup d'enthousiasme sur certains morceaux qui sortent clairement des sentiers battus. "Terror Twilight" n'est abordé que le temps d'un Spit On A Stranger tièdement accueilli. Le choix de terminer le concert sur une version enflammée de Conduit For Sale ! en dit d'ailleurs long et montre bien qu'on était d'abord ici pour voyager dans le temps. "Back in 92", nous hurle à plusieurs reprises un Bob Nastanovich aux cris omniprésents (et parfois hors sujet).
Je finis le concert en remuant la tête avec enthousiasme et émotion lorsque les grands titres sont joués, notamment lors d'un enchaînement Stop Breathin / Cut Your Hair merveilleux. Evidemment, le plaisir se heurte aux limites de l'exercice, qui n'est rien d'autre qu'une révision de vieilles chansons sans que rien de neuf ne soit apporté. C'est une soirée au musée de l'indie-rock que l'on a pu effectuer. Il est clairement inutile de se bercer d'illusions quant aux raisons de la reformation de Pavement. Bien sûr on peut toujours cracher dans la soupe et railler ce public en grande partie composé de trentenaires à la chevelure de moins en moins fournie, à la bedaine naissante mal dissimulée sous un T-Shirt de circonstance. Toutefois je ne peux m'empêcher de trouver réjouissant d'entendre des centaines de personnes reprendre en choeur le refrain de Here ou de Trigger Cut. A l'heure du retour de Dorothée et d'une véritable mode régressive sur fond de soirées Casimir, ces instants ont quelque chose de rassurant. La nostalgie n'a pas forcément un goût de beurre rance.
Lorsque j'avais interviewé Stephen Malkmus, il y a un peu plus de deux ans, je ne l'avais pas vu croiser les doigts lorsqu'il m'avait affirmé qu'il n'y aurait pas de reformation de Pavement. Quelques mois après, les choses ont visiblement changé et voici que ces huit lettres mythiques viennent allonger la longue liste des réunions de groupes mythiques depuis longtemps disparus... Pavement est en tournée et comme avec les Pixies et My Bloody Valentine, me voilà pris entre deux sentiments : l'impression qu'il n'y a rien de plus derrière tout cela qu'une bonne poignée de dollars d'une part, d'autre part la certitude que si je passe à côté de ces concerts j'en nourrirai de sérieux regrets, même s'il faut pour cela s'aventurer une fois de plus dans cette horreur acoustique qu'est le Zénith...
Rares sont les premières parties qui trouvent grâce aux yeux du public. Ce soir la donne est différente car Pavement se fait accompagner d'une pointure : The National, quelques jours avant la parution de leur nouvel album "High Violet". Malheureusement, j'arrive au Zénith avec du retard et le set des Américains est déjà bien entamé. Matt Berninger, la silhouette épaissie, le visage un peu bouffi, a visiblement pris un coup de vieux et sa voix semble fatiguée sur cette fin de concert. En revanche, le groupe est toujours aussi merveilleusement en place. Je regrette de n'avoir assisté qu'aux derniers morceaux car ceux que j'ai pu voir (pour "High Violet", Terrible Love ou le fabuleux England) m'ont tout simplement laissé pantois. Ce groupe est grand et pendant l'entracte, je me demande si l'on dira dans quelques jours que l'on a vu The National en première partie de Pavement ou Pavement en seconde partie de The National...
Pavement entre en scène et ces simples silhouettes incertaines se mouvant dans la pénombre déclenchent en quelques secondes un torrent d'émotions contradictoires, de l'incrédulité - Pavement, bon sang ! - à l'appréhension - à quoi ce concert va-t-il ressembler ? Un magma de guitares informes résonne et l'on sent distinctement un petit temps de latence dans l'audience interloquée. Lorsque le tout prend consistance et que l'on reconnaît l'intro de Silence Kid, les premières acclamations enthousiastes se font entendre. Nous sommes de nouveau jeunes, "Crooked Rain Crooked Rain" vient de sortir, la machine à remonter le temps fonctionne à plein régime. En étant indulgent, je pourrais écrire que rien que pour cela, ce concert valait la peine : on n'a pas encore entendu une seule chanson mais l'allégresse douce-amère qui me submerge pourrait presque m'arracher quelques larmes. Le début du concert ne lève cependant pas toutes les inquiétudes, Pavement a visiblement du mal à se mettre en place, la voix de Malkmus est inaudible - pourtant les titres choisis dessinent déjà une setlist incroyable et exigeante.
Petit à petit (notamment à partir d'une version furieuse de Two States), le show se met en place. Stephen Malkmus fait son Malkmus. Le Georges Abitbol du rock, l'homme le plus classe du monde indie, prend quelques poses de rock star ironique, toujours décalé, montre même quelques signes de lassitude sans que l'on puisse déterminer avec certitude s'il méprise réellement le public ou bien s'il joue gentiment avec lui. Malgré l'acoustique déplorable du Zénith, le son demeure acceptable quoiqu'évidemment bien trop fort et le groupe joue de plus en plus juste au fil des morceaux. La prestation est très carrée, ce qui se révèle presque dérangeant pour un groupe comme Pavement dont la nature profonde est d'être bancal. Range Life, notamment, souffre d'un traitement rock couillu qui dénature cette pépite country débraillée.
La setlist est très orientée sur les premiers albums, plus de la moitié des titres joués ce soir provenant de "Slanted And Enchanted" ou "Crooked Rain Crooked Rain". Le public réagit d'ailleurs avec beaucoup d'enthousiasme sur certains morceaux qui sortent clairement des sentiers battus. "Terror Twilight" n'est abordé que le temps d'un Spit On A Stranger tièdement accueilli. Le choix de terminer le concert sur une version enflammée de Conduit For Sale ! en dit d'ailleurs long et montre bien qu'on était d'abord ici pour voyager dans le temps. "Back in 92", nous hurle à plusieurs reprises un Bob Nastanovich aux cris omniprésents (et parfois hors sujet).
Je finis le concert en remuant la tête avec enthousiasme et émotion lorsque les grands titres sont joués, notamment lors d'un enchaînement Stop Breathin / Cut Your Hair merveilleux. Evidemment, le plaisir se heurte aux limites de l'exercice, qui n'est rien d'autre qu'une révision de vieilles chansons sans que rien de neuf ne soit apporté. C'est une soirée au musée de l'indie-rock que l'on a pu effectuer. Il est clairement inutile de se bercer d'illusions quant aux raisons de la reformation de Pavement. Bien sûr on peut toujours cracher dans la soupe et railler ce public en grande partie composé de trentenaires à la chevelure de moins en moins fournie, à la bedaine naissante mal dissimulée sous un T-Shirt de circonstance. Toutefois je ne peux m'empêcher de trouver réjouissant d'entendre des centaines de personnes reprendre en choeur le refrain de Here ou de Trigger Cut. A l'heure du retour de Dorothée et d'une véritable mode régressive sur fond de soirées Casimir, ces instants ont quelque chose de rassurant. La nostalgie n'a pas forcément un goût de beurre rance.
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9 mai 2010
Un match, une chanson #11 - New Order : Regret (PSG - Bordeaux : 3-1)
Une soirée de gala dans un océan de ratages, de matches anonymes, d'attitudes insupportables. Ce soir là, contre Bordeaux, champion de France en titre, le PSG a joué, a montré de l'allant. Pour la première fois depuis de longs mois, et au-delà de l'issue de l'affrontement, le jeu a été beau, animé, dynamique.
Le résultat, pour favorable qu'il soit, est probablement autant le reflet de la méforme girondine que de la qualité de jeu parisienne - on dira évidemment merci à Ramé pour son carton rouge qui facilite évidemment les choses. Les réserves peuvent être nombreuses sur une telle victoire. Qu'importe : ce soir, on s'est offert le champion en titre et après tout, si les événements ont joué en notre faveur, cela rattrape les nombreuses fois où l'inverse a pu se produire.
Malgré l'absence notable de participation d'Auteuil, l'ambiance est belle. Au fil du match, une douce euphorie grise la tribune, au point que les capos s'enflamment et improvisent de nouvelles paroles sur le chant classique "supporter du Paris-Saint-Germain" : "On veut une bière, une bière bien fraîche"...
Avec le retour des beaux jours qui s'approche peu à peu, voir l'équipe jouer, s'impliquer et l'emporter est un vrai plaisir. On se prend alors à imaginer ce qu'aurait pu être cette saison si l'attitude de l'équipe avait été plus conquérante sur la durée, si les conflits entre les tribunes n'avaient pas dégénéré jusqu'au drame, si... si... Et le sentiment qui domine est alors celui, assez amer, d'une occasion manquée. Le goût du regret.
Regret, justement : l'album "Republic" marque clairement le déclin de New Order. Si l'album est franchement médiocre, le single tire plutôt bien son épingle du jeu...
Le résultat, pour favorable qu'il soit, est probablement autant le reflet de la méforme girondine que de la qualité de jeu parisienne - on dira évidemment merci à Ramé pour son carton rouge qui facilite évidemment les choses. Les réserves peuvent être nombreuses sur une telle victoire. Qu'importe : ce soir, on s'est offert le champion en titre et après tout, si les événements ont joué en notre faveur, cela rattrape les nombreuses fois où l'inverse a pu se produire.
Malgré l'absence notable de participation d'Auteuil, l'ambiance est belle. Au fil du match, une douce euphorie grise la tribune, au point que les capos s'enflamment et improvisent de nouvelles paroles sur le chant classique "supporter du Paris-Saint-Germain" : "On veut une bière, une bière bien fraîche"...
Avec le retour des beaux jours qui s'approche peu à peu, voir l'équipe jouer, s'impliquer et l'emporter est un vrai plaisir. On se prend alors à imaginer ce qu'aurait pu être cette saison si l'attitude de l'équipe avait été plus conquérante sur la durée, si les conflits entre les tribunes n'avaient pas dégénéré jusqu'au drame, si... si... Et le sentiment qui domine est alors celui, assez amer, d'une occasion manquée. Le goût du regret.
Regret, justement : l'album "Republic" marque clairement le déclin de New Order. Si l'album est franchement médiocre, le single tire plutôt bien son épingle du jeu...
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2 mai 2010
Pavement - Crooked Rain, Crooked Rain
"Crooked Rain, Crooked Rain" ou l'album qui a rendu Pavement magique. "Slanted And Enchanted" aurait pu, après tout, n'être qu'une merveilleuse coïncidence ; l'histoire du rock est pavée des noms de groupes dont le talent s'est tari après un formidable premier jet... Pavement, au contraire, a su imposer son style avec panache, l’affirmer, l’affiner sur un disque unique, de ceux qui définissent un genre à eux seuls.
Le défi était de taille : avec son premier album, Pavement, groupe sorti de nulle part, avait cueilli tout le monde par surprise. Quelques mois après, alors que l'aura de "Slanted And Enchanted" continuait à grandir, les attentes se faisaient pressantes autour de la nouvelle coqueluche slacker. Est-ce sciemment que Malkmus et son groupe ont construit la seconde pièce maîtresse de leur discographie ou bien faut-il y voir l'effet du hasard ? On ne le saura probablement jamais, mais tous les choix révèlent une perspicacité redoutable. "Slanted" avait séduit par un son amateur et débraillé ? "Crooked Rain" proposerait un son beaucoup plus travaillé tout en conservant une superbe (fausse) nonchalance dans l'interprétation. "Slanted" avait su revisiter toutes les facettes du punk et du rock indépendant des années 80 ? "Crooked Rain" poursuivrait cette démarche en se permettant qui plus est d'aller fouiner du côté du blues, de la country ou du psychédélisme. "Slanted" avait su mélanger morceaux accessibles et titres à la construction plus audacieuse ? "Crooked Rain" irait encore plus loin en proposant une collection insensée de titres aux structures atypiques et ambitieuses et pourtant d'une évidence limpide.
"Crooked Rain, Crooked Rain" est aussi l’album sur lequel Stephen Malkmus impose la classe de son écriture à la face du monde. On aurait voulu ne voir en lui que le parangon ultime des slackers, il prouve avec ce second album qu'il est d'abord et avant tout un songwriter au talent inouï. De Silence Kid à Gold Soundz en passant par l’immortel Range Life, Malkmus aligne une rangée de chansons pop éternelles. Il n’y a pas de mystère : si le refrain de Cut Your Hair est toujours aussi galvanisant près de vingt ans après, ce n’est pas par le seul effet de la nostalgie, c'est tout simplement parce que cet enthousiasme un brin naïf est porté par une mélodie en acier trempé.
5-4=Unity et surtout l’exceptionnel final de Stop Breathin – une succession d’arpèges de guitare dont la beauté, entre évidence et excentricité, coupe littéralement le souffle – ouvrent aussi des voies insoupçonnées : soudain, Pavement devenait bien plus qu'un groupe indé talentueux et se muait en véritable laboratoire musical, un laboratoire tenu par des savants fous se livrant à quelques vivisections sauvages avec un large sourire. Un peu avant l’avènement de Beck, qui porterait le téléscopage des genres encore plus loin, jusqu’au concassage, Pavement débarrassait le rock de ses œillères, ouvrait des portes inattendues, inespérées, au sens propre inouïes, pour un disque en feu d’artifice.
Elégamment bancal, décalé mais toujours pertinent, le second album de Pavement fait bien mieux que résister aux années qui passent. Ce disque appartient à la caste très rare des disques que leur singularité place au-delà des modes et des genres. Au firmament du rock, Stephen Malkmus, branleur céleste, nous adresse un clin d'oeil goguenard...
(cet article a également été publié dans la rubrique "Oldies" d'Indiepoprock.net)
Le défi était de taille : avec son premier album, Pavement, groupe sorti de nulle part, avait cueilli tout le monde par surprise. Quelques mois après, alors que l'aura de "Slanted And Enchanted" continuait à grandir, les attentes se faisaient pressantes autour de la nouvelle coqueluche slacker. Est-ce sciemment que Malkmus et son groupe ont construit la seconde pièce maîtresse de leur discographie ou bien faut-il y voir l'effet du hasard ? On ne le saura probablement jamais, mais tous les choix révèlent une perspicacité redoutable. "Slanted" avait séduit par un son amateur et débraillé ? "Crooked Rain" proposerait un son beaucoup plus travaillé tout en conservant une superbe (fausse) nonchalance dans l'interprétation. "Slanted" avait su revisiter toutes les facettes du punk et du rock indépendant des années 80 ? "Crooked Rain" poursuivrait cette démarche en se permettant qui plus est d'aller fouiner du côté du blues, de la country ou du psychédélisme. "Slanted" avait su mélanger morceaux accessibles et titres à la construction plus audacieuse ? "Crooked Rain" irait encore plus loin en proposant une collection insensée de titres aux structures atypiques et ambitieuses et pourtant d'une évidence limpide.
"Crooked Rain, Crooked Rain" est aussi l’album sur lequel Stephen Malkmus impose la classe de son écriture à la face du monde. On aurait voulu ne voir en lui que le parangon ultime des slackers, il prouve avec ce second album qu'il est d'abord et avant tout un songwriter au talent inouï. De Silence Kid à Gold Soundz en passant par l’immortel Range Life, Malkmus aligne une rangée de chansons pop éternelles. Il n’y a pas de mystère : si le refrain de Cut Your Hair est toujours aussi galvanisant près de vingt ans après, ce n’est pas par le seul effet de la nostalgie, c'est tout simplement parce que cet enthousiasme un brin naïf est porté par une mélodie en acier trempé.
5-4=Unity et surtout l’exceptionnel final de Stop Breathin – une succession d’arpèges de guitare dont la beauté, entre évidence et excentricité, coupe littéralement le souffle – ouvrent aussi des voies insoupçonnées : soudain, Pavement devenait bien plus qu'un groupe indé talentueux et se muait en véritable laboratoire musical, un laboratoire tenu par des savants fous se livrant à quelques vivisections sauvages avec un large sourire. Un peu avant l’avènement de Beck, qui porterait le téléscopage des genres encore plus loin, jusqu’au concassage, Pavement débarrassait le rock de ses œillères, ouvrait des portes inattendues, inespérées, au sens propre inouïes, pour un disque en feu d’artifice.
Elégamment bancal, décalé mais toujours pertinent, le second album de Pavement fait bien mieux que résister aux années qui passent. Ce disque appartient à la caste très rare des disques que leur singularité place au-delà des modes et des genres. Au firmament du rock, Stephen Malkmus, branleur céleste, nous adresse un clin d'oeil goguenard...
(cet article a également été publié dans la rubrique "Oldies" d'Indiepoprock.net)
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Pavement - Slanted And Enchanted
Des classiques qui ont émergé de la pépinière américaine au cours des années 90, le premier album de Pavement est probablement l’exemple le plus frappant, à la fois manifeste esthétique de ce qu'on appellerait bientôt lo-fi et première démonstration d'une ouverture du rock indépendant américain à de multiples influences extérieures. "Slanted And Enchanted" a également contribué à forger les goûts musicaux de toute une génération de passionnés de musique, pour qui il représente un véritable "disque d'île déserte". Au moment de tenter d’écrire quelques lignes à propos d'un tel monolithe, un drôle de sentiment prend le dessus. Comment résumer ce disque sans dégainer l'habituel catalogue des superlatifs ? Au fond, comment parler d'un album qui a été souvent désigné comme le plus éclatant exemple de l'essence du rock indépendant des années 90, comme "Daydream Nation" de Sonic Youth a pu représenter le pinacle de l’approche bruitiste et arty des années 80 ?
Ce qui me frappe, c'est que ce qui fait aujourd’hui figure d’évidence ne coulait pas forcément de source à l’époque. Je me souviens encore de l’entrefilet dédié à "Slanted and Enchanted" dans la rubrique Popus des Inrockuptibles version bimestrielle, un article à la fois enthousiaste et anecdotique, bien loin évidemment de percevoir à quel point ce disque deviendrait classique. Maintenant, près de vingt ans après, l'analyse est plus aisée. La chose est entendue, depuis le départ, Pavement avait tout bon : un nom qui claque, un son crasseux et débraillé, au diapason des attentes d'une époque fatiguée des standards FM clinquants et ripolinés assénés à longueur de temps et bien sûr, des chansons à tomber par terre.
"Slanted and Enchanted" crachote, grince, couine, crisse, tousse, râle et c'est précisément tous ces bruits, ces sons inhabituels qui en faisaient la saveur : les coups de cymbale de Gary Young sur Summer Babe, le motif de guitare liquide de Zurich Is Stained, les "lalala" ironiques accompagnant l'intro saturée de Fame Throwa... Ces gimmicks contournaient malicieusement les limites d'un son par ailleurs chétif, instauraient d'emblée une véritable proximité avec l'auditeur et distillaient une fraîcheur insensée, merveilleuse à l'époque et encore maintenant fabuleuse... L’attitude "slacker" représentait clairement la meilleure manifestation des désillusions qui accompagnaient la décennie naissante. Il ne suffit cependant pas d’avoir l’attitude rock ad hoc pour sortir un grand disque - sans quoi Peter Doherty aurait une discographie acceptable. Là où Pavement se montrait déjà génial, c’est que le groupe transcendait le slacking grâce à des morceaux sublimes ; l’interprétation est foutraque et débraillée, mais les morceaux, eux, sont conçus avec méticulosité.
Sur "Slanted And Enchanted", la veine pop de Pavement reste encore assez timide. A part Here, déchirante complainte reprise notamment par les Tindersticks, les morceaux alignés ici restent fidèles à un esprit punk très affirmé. La qualité mélodique est bien là, de Summer Babe à Loretta’s Scars en passant par Trigger Cut ou In The Mouth Of A Desert (on pourrait presque citer tous les morceaux), mais l’habillage reste fruste et l'agressivité des guitares distordues sur lesquels Malkmus base le son du groupe peut désarçonner de prime abord. C'est ce qui fait de "Slanted And Enchanted" un album moins immédiat que les disques ultérieurs de Pavement, c'est aussi ce qui en fait un véritable symbole de son époque.
Pavement aura eu une influence incommensurable sur bon nombre de groupes et reste pourtant largement inconnu du grand public : indie jusqu'au bout, même si une reformation récente devrait permettre de faire enfin fonctionner le tiroir-caisse... Avec "Slanted and Enchanted", le groupe posait la première pierre d’une discographie qui couvrirait l'ensemble de la décennie et en accompagnerait les évolutions. Il définissait aussi et surtout un nouveau standard de rock indépendant. Ces 39 minutes sont évidemment essentielles.
(cet article a également été publié dans la rubrique "Oldies" d'Indiepoprock.net)
Ce qui me frappe, c'est que ce qui fait aujourd’hui figure d’évidence ne coulait pas forcément de source à l’époque. Je me souviens encore de l’entrefilet dédié à "Slanted and Enchanted" dans la rubrique Popus des Inrockuptibles version bimestrielle, un article à la fois enthousiaste et anecdotique, bien loin évidemment de percevoir à quel point ce disque deviendrait classique. Maintenant, près de vingt ans après, l'analyse est plus aisée. La chose est entendue, depuis le départ, Pavement avait tout bon : un nom qui claque, un son crasseux et débraillé, au diapason des attentes d'une époque fatiguée des standards FM clinquants et ripolinés assénés à longueur de temps et bien sûr, des chansons à tomber par terre.
"Slanted and Enchanted" crachote, grince, couine, crisse, tousse, râle et c'est précisément tous ces bruits, ces sons inhabituels qui en faisaient la saveur : les coups de cymbale de Gary Young sur Summer Babe, le motif de guitare liquide de Zurich Is Stained, les "lalala" ironiques accompagnant l'intro saturée de Fame Throwa... Ces gimmicks contournaient malicieusement les limites d'un son par ailleurs chétif, instauraient d'emblée une véritable proximité avec l'auditeur et distillaient une fraîcheur insensée, merveilleuse à l'époque et encore maintenant fabuleuse... L’attitude "slacker" représentait clairement la meilleure manifestation des désillusions qui accompagnaient la décennie naissante. Il ne suffit cependant pas d’avoir l’attitude rock ad hoc pour sortir un grand disque - sans quoi Peter Doherty aurait une discographie acceptable. Là où Pavement se montrait déjà génial, c’est que le groupe transcendait le slacking grâce à des morceaux sublimes ; l’interprétation est foutraque et débraillée, mais les morceaux, eux, sont conçus avec méticulosité.
Sur "Slanted And Enchanted", la veine pop de Pavement reste encore assez timide. A part Here, déchirante complainte reprise notamment par les Tindersticks, les morceaux alignés ici restent fidèles à un esprit punk très affirmé. La qualité mélodique est bien là, de Summer Babe à Loretta’s Scars en passant par Trigger Cut ou In The Mouth Of A Desert (on pourrait presque citer tous les morceaux), mais l’habillage reste fruste et l'agressivité des guitares distordues sur lesquels Malkmus base le son du groupe peut désarçonner de prime abord. C'est ce qui fait de "Slanted And Enchanted" un album moins immédiat que les disques ultérieurs de Pavement, c'est aussi ce qui en fait un véritable symbole de son époque.
Pavement aura eu une influence incommensurable sur bon nombre de groupes et reste pourtant largement inconnu du grand public : indie jusqu'au bout, même si une reformation récente devrait permettre de faire enfin fonctionner le tiroir-caisse... Avec "Slanted and Enchanted", le groupe posait la première pierre d’une discographie qui couvrirait l'ensemble de la décennie et en accompagnerait les évolutions. Il définissait aussi et surtout un nouveau standard de rock indépendant. Ces 39 minutes sont évidemment essentielles.
(cet article a également été publié dans la rubrique "Oldies" d'Indiepoprock.net)
25 avril 2010
Vinyle #9 - This Mortal Coil - Filigree And Shadow
Réverbération au maximum, voix spectrales flottant sur une musique éthérée : pas de doute, nous sommes bien dans l'univers de This Mortal Coil, la rêverie quasi new-age de Ivo Watts-Russell. Insupportable succession de fadaises arty pour les détracteurs, This Mortal Coil représente surtout pour les amateurs le résumé merveilleux de ce que le rock intello pouvait produire de plus sophistiqué durant les années 80 - l'ultime remède contre tous les pisse-vinaigre qui voudraient résumer cette décennie à quelques tubes synthétiques fluorescents ou à une soirée gloubi-boulga.
Avec son cortège d'habitués (les soeurs Rutkowski, Dominic Appleton, Alison Limerick), le collectif This Mortal Coil, quelques années avant Massive Attack, a probablement proposé le plus beau recueil de voix de l'époque, des voix souvent traitées avec la dose massive d'écho de rigueur mais toujours mises en avant, magnifiées par des mélodies déchirantes, jamais en retrait derrière les instruments (Tarantula, Morning Glory, I Want To Live). Bien évidemment, le spleen cosmique et diaphane d'Ivo Watts-Russell n'a que peu à voir avec la soul urbaine et physique de 3D et consorts, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver quelques parallèles dans ces deux façons de recourir à la beauté bouleversante d'une voix humaine pour habiter une musique par nature artificielle.
Moins abouti que son successeur "Blood", "Filigree And Shadow" propose beaucoup plus d'instrumentaux et s'avère donc d'une écoute plus exigeante, parfois à la limite de l'ascèse. Se laisser emporter, élever par cette musique n'est pas instantané, cela suppose plusieurs écoutes attentives, une disposition d'esprit propice à se délester des turpitudes du quotidien. Sous ces quelques conditions, le voyage demeure sublime.
Au-delà de la promesse de voyages immobiles, ce qui fait la grandeur de This Mortal Coil, ce sont aussi ces impensables reprises, audacieuses, lettrées, élégantes. Là encore le choix est impeccable, avec des reprises de Tim Buckley, des Talking Heads, de Colin Newman, de Van Morrison... Il n'en faut pas plus pour se replonger avec d'infinies délices dans ces années à mauvais escient honnies. En 1986, la classe avait plus qu'un nom : une dépouille. Mortelle.
Avec son cortège d'habitués (les soeurs Rutkowski, Dominic Appleton, Alison Limerick), le collectif This Mortal Coil, quelques années avant Massive Attack, a probablement proposé le plus beau recueil de voix de l'époque, des voix souvent traitées avec la dose massive d'écho de rigueur mais toujours mises en avant, magnifiées par des mélodies déchirantes, jamais en retrait derrière les instruments (Tarantula, Morning Glory, I Want To Live). Bien évidemment, le spleen cosmique et diaphane d'Ivo Watts-Russell n'a que peu à voir avec la soul urbaine et physique de 3D et consorts, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver quelques parallèles dans ces deux façons de recourir à la beauté bouleversante d'une voix humaine pour habiter une musique par nature artificielle.
Moins abouti que son successeur "Blood", "Filigree And Shadow" propose beaucoup plus d'instrumentaux et s'avère donc d'une écoute plus exigeante, parfois à la limite de l'ascèse. Se laisser emporter, élever par cette musique n'est pas instantané, cela suppose plusieurs écoutes attentives, une disposition d'esprit propice à se délester des turpitudes du quotidien. Sous ces quelques conditions, le voyage demeure sublime.
Au-delà de la promesse de voyages immobiles, ce qui fait la grandeur de This Mortal Coil, ce sont aussi ces impensables reprises, audacieuses, lettrées, élégantes. Là encore le choix est impeccable, avec des reprises de Tim Buckley, des Talking Heads, de Colin Newman, de Van Morrison... Il n'en faut pas plus pour se replonger avec d'infinies délices dans ces années à mauvais escient honnies. En 1986, la classe avait plus qu'un nom : une dépouille. Mortelle.
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Vinyle
2 avril 2010
Marina And The Diamonds - Are You Satisfied
Depuis que JD Beauvallet a définitivement sombré dans la folie (circa 1996 et sa découverte des Spice Girls), on voit régulièrement fleurir, chez les critiques les plus sérieux et les plus pointus, des discours étranges d'analyse de la musique populaire comme terrain d'expérimentation sonore (en vrac, via Britney Spears et les Neptunes, via les productions Timbaland, via Lily Allen ou encore, plus récemment Lady GaGa, j'en passe et des plus gratinées). C'est reparti pour un tour avec l'arrivée en fanfare de Marina Diamandis, de son joli minois, de sa voix spectaculaire, de son accent à couper au couteau et de ses tubes cybernétiques. Marina va au-delà de la pop bubblegum, on est carrément dans le domaine d'une pop Powerade - soit une mixture chimique aux arômes tous plus factices les uns que les autres, affichant un taux de sucre délirant. Assez étrangement, si l'écoute de l'album "The Family Jewels" s'avère globalement pénible, la formule peut marcher sur certains titres, en particulier sur Are You Satisfied. Une chanson que l'on pourrait qualifier, pour vraiment jouer les critiques, d'expérimentation fascinante de déconstruction de la pop synthétique, tant il est impossible d'y déceler une véritable structure couplet / refrain. Le morceau est construit comme une succession de ponts, sonnant comme autant d'hymnes, se succédant à un rythme effréné. C'est comme un lombric, ça n'a ni queue ni tête, mais ça s'imprime instantanément dans la mémoire et, ma foi, si l'on n'est pas trop regardant, ce n'est pas désagréable. Marina est donc le joli lombric musical de ce début d'année - je me demande juste s'il n'y aurait pas beaucoup plus ambitieux à faire avec une voix aussi singulière...
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31 mars 2010
Un match, une chanson #10 - Portishead : Numb (PSG - Sochaux : 4-1)
La soirée aurait dû être formidable : le PSG, sans être étincelant, joue assez bien et, face à une opposition inexistante, se paie un score de gala. Au bout d'un quart d'heure, le score est déjà de 2-0, à aucun moment Sochaux ne donnera l'impression de pouvoir répondre quoi que ce soit face à la domination parisienne. Pourtant le Parc des Princes reste atone. L'ambiance est morose, plombée par la perspective du décès du supporter de Boulogne molesté lors de PSG - OM - décès qui ne sera déclaré que quelques jours plus tard mais que tous pressentent déjà comme imminent. Les virages ont déclaré un arrêt des chants ; on peut parler sans avoir besoin de hausser la voix et les joueurs entendent certainement toutes les invectives qui descendent des tribunes à leur égard.
Cette sensation inédite résume bien ce dont j'étais assez persuadé dès que j'ai commencé à suivre le club : un match de football vaut essentiellement pour l'alchimie entre un spectacle prenant place sur le terrain et une réaction du public. Cette alchimie peut prendre des formes insoupçonnées, des matches sans grand intérêt (y compris quelques défaites) pouvant devenir de très bons souvenirs du fait d'une grosse ambiance. Ce soir c'est l'inverse : ce qui aurait pu être une fête se révèle être un spectacle insipide.
Difficile dans ces conditions de trouver une chanson pour illustrer un tel paradoxe. On se rabattra ainsi sur un grand classique : Numb, de Portishead (tire de leur immortel premier album "Dummy"). Parce que ce titre, avec ses percussions heurtées qui s'écrasent face à une basse fantomatique et des accompagnements cotonneux, traduit mieux que nul autre cette sensation d'engourdissement, d'indifférence que le contexte tragique a jeté sur ce match.
Cette sensation inédite résume bien ce dont j'étais assez persuadé dès que j'ai commencé à suivre le club : un match de football vaut essentiellement pour l'alchimie entre un spectacle prenant place sur le terrain et une réaction du public. Cette alchimie peut prendre des formes insoupçonnées, des matches sans grand intérêt (y compris quelques défaites) pouvant devenir de très bons souvenirs du fait d'une grosse ambiance. Ce soir c'est l'inverse : ce qui aurait pu être une fête se révèle être un spectacle insipide.
Difficile dans ces conditions de trouver une chanson pour illustrer un tel paradoxe. On se rabattra ainsi sur un grand classique : Numb, de Portishead (tire de leur immortel premier album "Dummy"). Parce que ce titre, avec ses percussions heurtées qui s'écrasent face à une basse fantomatique et des accompagnements cotonneux, traduit mieux que nul autre cette sensation d'engourdissement, d'indifférence que le contexte tragique a jeté sur ce match.
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Un match, une chanson #9 - Killing Joke : Requiem (PSG - OM : 0-3)
Requiem à plus d'un titre. D'abord et pour le plus léger pour ce fiasco sportif aux airs d'enterrement : toutes les craintes de l'avant-match (et si Ben Arfa devenait bon, et si les Marseillais, largement supérieurs sur le papier, marchaient littéralement sur les Parisiens, et si...) se révèlent fondées et Paris sombre, piétiné par un OM euphorique. Une étincelle d'espoir subsiste encore à la mi-temps, car si le PSG est déjà mené (0-1), l'équipe se démène et semble facilement pouvoir revenir au score. Au retour des vestiaires, les joueurs, apathiques, se font massacrer devant un Parc dégoûté...
Requiem, ensuite, pour les événements survenus autour du Parc, qui devaient se solder par la mort d'un supporter de Boulogne quelques semaines plus tard. Je n'avais pas réellement pris conscience de la gravité croissante des événements autour du club, et notamment des tensions croissantes entre groupes de personnes que j'hésiterais à qualifier de supporters. Un peu avant le match, nous avons vu passer en trombe ambulance et véhicules de police, sans doute pour gérer les conflits entre Auteuil et Boulogne. A ce moment cela semblait anecdotique. Je ne saurais pas me prononcer sur les culpabilités respectives des deux camps ; je crains fort que la stupidité ne soit amplement partagée. J'avoue ne pas encore bien comprendre comment tout cela est possible, ni (surtout) quel rapport cela peut avoir avec le foot. Aucun, je suppose.
Une interrogation, directement tirée du morceau de Killing Joke : "When will it start bothering you ?". Jusqu'à quand peut-on supporter une équipe alors que les déchaînements de connerie atteignent des niveaux, au sens propre, mortels ?
Requiem, ensuite, pour les événements survenus autour du Parc, qui devaient se solder par la mort d'un supporter de Boulogne quelques semaines plus tard. Je n'avais pas réellement pris conscience de la gravité croissante des événements autour du club, et notamment des tensions croissantes entre groupes de personnes que j'hésiterais à qualifier de supporters. Un peu avant le match, nous avons vu passer en trombe ambulance et véhicules de police, sans doute pour gérer les conflits entre Auteuil et Boulogne. A ce moment cela semblait anecdotique. Je ne saurais pas me prononcer sur les culpabilités respectives des deux camps ; je crains fort que la stupidité ne soit amplement partagée. J'avoue ne pas encore bien comprendre comment tout cela est possible, ni (surtout) quel rapport cela peut avoir avec le foot. Aucun, je suppose.
Une interrogation, directement tirée du morceau de Killing Joke : "When will it start bothering you ?". Jusqu'à quand peut-on supporter une équipe alors que les déchaînements de connerie atteignent des niveaux, au sens propre, mortels ?
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