25 avril 2010

Vinyle #9 - This Mortal Coil - Filigree And Shadow

Réverbération au maximum, voix spectrales flottant sur une musique éthérée : pas de doute, nous sommes bien dans l'univers de This Mortal Coil, la rêverie quasi new-age de Ivo Watts-Russell. Insupportable succession de fadaises arty pour les détracteurs, This Mortal Coil représente surtout pour les amateurs le résumé merveilleux de ce que le rock intello pouvait produire de plus sophistiqué durant les années 80 - l'ultime remède contre tous les pisse-vinaigre qui voudraient résumer cette décennie à quelques tubes synthétiques fluorescents ou à une soirée gloubi-boulga.

Avec son cortège d'habitués (les soeurs Rutkowski, Dominic Appleton, Alison Limerick), le collectif This Mortal Coil, quelques années avant Massive Attack, a probablement proposé le plus beau recueil de voix de l'époque, des voix souvent traitées avec la dose massive d'écho de rigueur mais toujours mises en avant, magnifiées par des mélodies déchirantes, jamais en retrait derrière les instruments (Tarantula, Morning Glory, I Want To Live). Bien évidemment, le spleen cosmique et diaphane d'Ivo Watts-Russell n'a que peu à voir avec la soul urbaine et physique de 3D et consorts, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver quelques parallèles dans ces deux façons de recourir à la beauté bouleversante d'une voix humaine pour habiter une musique par nature artificielle.

Moins abouti que son successeur "Blood", "Filigree And Shadow" propose beaucoup plus d'instrumentaux et s'avère donc d'une écoute plus exigeante, parfois à la limite de l'ascèse. Se laisser emporter, élever par cette musique n'est pas instantané, cela suppose plusieurs écoutes attentives, une disposition d'esprit propice à se délester des turpitudes du quotidien. Sous ces quelques conditions, le voyage demeure sublime.

Au-delà de la promesse de voyages immobiles, ce qui fait la grandeur de This Mortal Coil, ce sont aussi ces impensables reprises, audacieuses, lettrées, élégantes. Là encore le choix est impeccable, avec des reprises de Tim Buckley, des Talking Heads, de Colin Newman, de Van Morrison... Il n'en faut pas plus pour se replonger avec d'infinies délices dans ces années à mauvais escient honnies. En 1986, la classe avait plus qu'un nom : une dépouille. Mortelle.

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