Hélène Berr, jeune femme de famille aisée, commence ses études à l'Ecole Normale Supérieure, et répartit ses loisirs entre musique, littérature, amours naissantes et actions de bienfaisance. Hélène Berr est juive, et son journal commence en 1942. La nature même du livre, document incroyable sur une des plus noires périodes de l'histoire, impose évidemment le respect, mais le journal d'Hélène Berr s'avère surtout un document rigoureux et sans concession sur les privations successives subies par les juifs à cette période, sur l'injustice profonde des décrets promulgués à cette période, sapant, d'abord insidieusement puis explicitement, toujours plus de libertés pour les porteurs de l'étoile jaune...
Le plus grand paradoxe du livre est peut-être aussi sa grande force : le personnage d'Hélène Berr, aussi admirable soit-il par ailleurs, n'est pas de ceux avec lesquels il est aisé d'être en empathie. Brillante, riche, dévouée, cette jeune fille apparaît d'abord bien lisse. Son style souvent pédant rend certaines pages horripilantes, sa façon de coller inutilement des termes anglais au milieu de phrases en français s'apparente à une afféterie maniérée. Ses menus états d'âmes, détaillés scrupuleusement au début du journal, ennuient de prime abord. Ces scories sont aussi indispensables que le reste, aussi vitales que les pages plus enflammées, plus engagées, plus "nobles", car ces différentes facettes permettent de mieux comprendre la personnalité d'Hélène Berr, dans toute sa complexité tragiquement humaine. C'est lorsqu'elle agace que cette jeune femme se rapproche le plus de nous, et dépasse le cadre du personnage littéraire. Cette incarnation devient fondamentale, car par ailleurs ce livre nous place dans l'un des paradoxe les plus choquants de notre position de lecteur : on a beau savoir que ce n'est pas un roman, que ce journal consigne des faits réels, c'est bien lorsque la peur s'installe que l'on commence à se sentir captivé par la narration... Il est rassurant de pouvoir se dire (mais pourrait-il subsister un doute ?) que cela provient de la proximité que l'on a nouée avec Hélène Berr au cours des premières pages et pas d'une fascination morbide.
Quant au glissement progressif dans l'horreur, implacable et inéluctable au fil des pages, il se passe évidemment de commentaires, je ne pourrais qu'être oiseux en tentant de le traduire. Sur la forme, cette dichotomie entre une première partie finalement heureuse et une seconde moitié atrocement chaotique fait de ce journal un "Mulholland Drive" pour de vrai. Je me contenterai de signaler également que les dernières pages, une juxtaposition d'horreurs marquée par la peur qui sourd de chaque ligne, par l'angoisse de se sentir traquée à tout moment, sont d'une force tout simplement inouïe.
7 octobre 2009
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1 commentaire:
Impressions très justes que je partage en grande partie - seule différence, je n'éprouve nul déplaisir pour les citations anglaises tellement naturelles de la part d'une agrégative :)
En revanche, pourquoi dites-vous qu'elle étudiait à l'ENS ? J'ai viité l'exposition au mémorial de la Shoah, et il est dit qu'elle était étudiante à la Sorbonne...
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