12 mars 2010

Vinyle #8 - This Mortal Coil - Blood

Au moment où est paru cet album (en 1991), le label 4AD était depuis longtemps devenu mythique chez les fans de rock indépendant : une sorte de Blue Note de la pop éthérée (Cocteau Twins) ou du rock tordu (Pixies, Breeders, Throwing Muses). A l'époque, 4AD avait tout d'une dream-team pour fan de musique Lenoiresque. Il faut reconnaître à Ivo Watts-Russell (le créateur du label) un certain flair, une démarche originale et droite, une rigueur dans la poursuite de sa ligne artistique qui restent encore aujourd'hui exemplaires. This Mortal Coil, projet ambitieux qui ressemble fort à la poursuite monomaniaque d'un fantasme de passionné de musique, est la preuve évidente de toutes ces qualités. L'idée même du projet semble à la fois limpide et impensable : réunir des artistes pour un florilège de reprises et de compositions personnelles. Une sorte de No-Star Academy, en quelque sorte. Trois albums furent ainsi produits par ce faux groupe ; "Blood" est le dernier d'entre eux.

Patchwork de chansons douces reliées entre elles par de souvent splendides plages instrumentales contemplatives, "Blood" distille une indicible mélancolie ainsi qu'un sentiment d'apaisement euphorisant. Dès le premier morceau, le charme agit, posant les bases d'un schéma que l'on retrouvera à de nombreuses reprises au cours du disque : d'étranges nappes synthétiques viennent bercer l'oreille, avant de s'effacer pour laisser la place à un quatuor à cordes élégiaque. Les chansons choisies sont presque toutes aussi excellentes que méconnues, leur interprétation est systématiquement renversante. You And Your Sister, fredonné d'une voix douce par Kim Deal des Pixies, est le plus beau morceau qu'elle ait jamais chanté. Mr Somewhere, merveille tout droit venue du premier album des excellents Apartments, susurrée par Carolyn Crawley, garde toute sa simplicité et son charme presque naïf. I Come And Stand At Every Door, splendeur souveraine à l'imposante majesté, force l'admiration : le morceau s'ouvre sur un a capella à couper le souffle, puis un violon vient seconder la voix durant le deuxième couplet ; un rythme lent et minimal s'ajoute ensuite, avant qu'un nouvel écheveau de violons, de voix et de nappes synthétiques ne vienne compléter le fond musical pour un final passionnant. Et qui peut rester insensible à la douceur de Several Times, douce comptine à la mélodie enchanteresse, se concluant sur les notes évanescentes d'un piano incertain?

"Blood" recèle encore bien d'autres pépites (l'inquiet et étrange Late Night, le vaporeux Carolyn's Song), mais le plus beau finalement, c'est qu'en dépit du nombre des intervenants, ce disque dégage une véritable impression de cohérence. Tout coule de source et "Blood" se prête peut-être mieux que tout autre album à ces séances d'écoute songeuses, de celles que l'on s'offre les soirs de spleen, confortablement installé dans un fauteuil, l'esprit vagabondant au gré des vents soufflés par cette musique triste et belle.

1 commentaire:

Mathieu a dit…

Je garde un souvenir énorme de leur reprise de Song Of The Siren ...

Je passe du coq à l'âne, pour ton commentaire sur AFD, j'ai déplacé mon blog ici (http://randomsongs.org)