3 janvier 2010

Gregory McDonald - Rafael, Derniers Jours

Bienvenue en enfer : Rafael, épave humaine de même pas trente ans, accepte d'être la victime d'un snuff-movie en échange de quelques milliers de dollars à léguer à sa famille. "Rafael, Derniers Jours" narre - comme la traduction française du titre original "The Brave" l'indique clairement - les faits et gestes du condamné durant le bref laps de temps qui le sépare de sa mort. Suit une succession de saynètes décrivant la vie d'une communauté de marginaux pour qui l'expression "no future" semble vraiment avoir un sens.

Cela pourrait être insupportable, ça l'est dans une certaine mesure d'ailleurs, mais c'est aussi, surtout, bien plus que ça : joyeux, émouvant, parfois poignant. La grande force de ce très bref roman, c'est qu'il parvient à survivre, à transcender même son argument de base choquant et malsain grâce à une empathie et une tendresse qui donnent envie d'aimer ces personnages. Bien entendu, on ne ressort ni indemne ni gai de cette plongée dans un marais de misère (l'univers bidonvillesque de Morgantown, où les habitants, tous illettrés et alcooliques, tentent de gagner leur pitance en revendant tant bien que mal des objets extirpés de la décharge avoisinante). Le choix de Rafael lui permet cependant d'apporter un bonheur inhabituel à ses proches, de s'imprégner de l'amour qu'il éprouve pour sa famille boîteuse, de prendre conscience de la misère de sa vie, de la vie de ceux qui l'entourent, de bâtir des projets d'avenir en échappant à l'angoisse de les voir s'effondrer.

L'écriture de McDonald est sèche, sans beaucoup de fioritures ni de description, et s'appuie principalement sur des dialogues pour décrire les personnages et leurs relations. C'est cette sobriété qui permet au livre d'échapper au pathos, au voyeurisme glauque. Mémorable, pas moins.

1 commentaire:

Mathieu a dit…

Le chapitre où on décrit le futur snuff-movie de Rafael est terrifiant ... A noter aussi que Johnny Depp l'a adapté au ciné, c'est un beau nanar comparé au bouquin, avec Marlon Brando et Iggy Pop. Johnny Depp à la réalisation, essaye d'imiter vainement Kusturica.