Pour lutter contre une vague de licenciements, Aidan, un ouvrier gallois, se lance dans une manifestation très personnelle en s'enterrant pendant plusieurs semaines dans un cercueil enseveli au milieu de son jardin. C'est sur ce point de départ (qui va évidemment déclencher une foule d'événements inattendus) que Ray French brode "Six Pieds Sous Terre", une fable sociale dans la droite lignée des canons du genre : autour d'Aidan gravite une galerie de personnages qui permet de mettre en scène des péripéties tour à tour émouvantes et cocasses (la fille aînée, sérieuse et rangée, le fils, arriviste et velléitaire, la bande d'amis couillons mais fidèles...)
"Six Pieds Sous Terre" se lit sans déplaisir et sans ennui. Sans enthousiasme débordant non plus, notamment parce que Ray French se borne à utiliser des figures classiques de la littérature sociale anglaise. Les prolétaires sont un peu rustres, mais sympathiques et plus intelligents qu'il n'y paraît, les patrons sont méchants et n'auront d'ailleurs à aucun moment la parole dans le livre. A l'arrivée, c'est grand capital qui triomphe mais les ouvriers sont plus soudés que jamais après une expérience qui leur prouve à tous les vertus de l'amitié et de l'amour...
De la difficulté à survivre dans un caisson enterré, de la claustrophobie que l'expérience peut provoquer, il n'est pas fait mention ou presque. Seules quelques pages s'attachent à décrire les premiers jours d'Aidan dans son cercueil, l'oppression de se savoir à la merci d'un événement imprévu, sans aucune possibilité physique de réagir du fait de l'exiguïté du caisson, l'organisation nécessaire pour maintenir un semblant d'hygiène corporelle... Ce sont les pages les plus réussies du livre et j'aurais vraiment apprécié que cette expérience d'isolement soit beaucoup plus développée, mais French craint visiblement d'ennuyer le lecteur et s'empresse alors de trouver des expédients pour relancer le récit à l'aide d'événements prenant place sur la terre ferme. Aidan et son cercueil ne sont alors plus qu'un prétexte pour une seconde moitié de roman en forme de métaphore de la lutte des classes. Une solution de facilité qui rend le roman plus distrayant mais qui en limite considérablement l'impact...
31 janvier 2010
Un match, une chanson #6 - The Ramones : Why Is It Always This Way ? (PSG - Monaco : 0-1)
Un match correct du PSG qui se termine pourtant en défaite ridicule avec un but contre son camp du goal remplaçant Edel et des regrets énormes pour l'équipe dont les tirs ont heurté trois fois les poteaux adverses. Le but ? Une erreur ridicule qui ne manquera pas d'ailleurs d'être reprise et raillée avec délectation par les journalistes dès le lendemain. Le Parc dégaine des banderoles de plus en plus assassines à l'encontre de Colony Capital, les chants invitant poliment l'actionnaire à investir ou à passer la main se multiplient... La frustration se fait palpable - il faut bien reconnaître que se déplacer en plein milieu de semaine en hiver pour voir son équipe se faire ridiculiser par les hommes de Guy Lacombe n'a rien de très satisfaisant. Je retiens aussi cette sentence assénée par un supporter près de moi en tribune après un tir sur la transversalle : "ils ne marqueront pas aujourd'hui" - une évidence dictée par le fatalisme du supporter dépité. Comme une habitude, déjà, une certitude. De Grenoble à Auxerre la saison dernière en passant par Nice ou maintenant Monaco, on a vraiment le sentiment qu'effectivement, c'est toujours comme ça... Et pourquoi ? C'est la question que je fais mienne en choisissant Why Is It Always This Way ? des Ramones pour accompagner ce billet. Rappelons qu'au départ le morceau tiré de "Rocket To Russia" n'a que peu avoir avec des frustrations sportives puisqu'il évoque les derniers souvenirs d'une fille suicidaire avant son dernier geste...
Un dernier mot pour mentionner la tension croissante qui semble régner dans la tribune et plus encore, entre les tribunes Boulogne et Auteuil. Je ne connais pas assez bien l'histoire du club et le monde des supporters pour pouvoir porter un jugement ; je ne sais pas non plus si tout cela est uniquement lié aux résultats sportifs ou si d'autres considérations entrent en ligne de compte. En tout cas j'ai le sentiment diffus que l'on est peut être partis pour des mois assez troubles pour le club et les supporters... Une raison de plus pour choisir une bonne vieille chanson punk pour illustrer ce match.
Un dernier mot pour mentionner la tension croissante qui semble régner dans la tribune et plus encore, entre les tribunes Boulogne et Auteuil. Je ne connais pas assez bien l'histoire du club et le monde des supporters pour pouvoir porter un jugement ; je ne sais pas non plus si tout cela est uniquement lié aux résultats sportifs ou si d'autres considérations entrent en ligne de compte. En tout cas j'ai le sentiment diffus que l'on est peut être partis pour des mois assez troubles pour le club et les supporters... Une raison de plus pour choisir une bonne vieille chanson punk pour illustrer ce match.
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6 janvier 2010
Richard Price - Le Samaritain
Ray Mitchell, scénariste d'une série à succès, revient dans la banlieue déshéritée dans laquelle il a grandi pour animer un atelier d'écriture dans son ancien lycée. Quelques semaines plus tard, il est victime d'une agression qui le laisse entre la vie et la mort. L'inspectrice Nerese Ammons, policière à quelques mois de la retraite et camarade d'enfance de Mitchell, se met en tête de résoudre l'affaire... Sur cette trame somme toute banale, Richard Price bâtit un roman véritablement bouleversant. J'hésiterais beaucoup à qualifier "Le Samaritain" de roman policier ou de roman noir. Ce bouquin exsude la tristesse, la mélancolie, c'est un fait, mais il n'a rien à voir avec la vision du monde cynique et désabusée d'un James Ellroy par exemple. Au contraire, les personnages sont tous dépeints avec une attention, une finesse et une humanité qui les rendent à la fois crédibles et passionnants. Tous nous sont livrés avec leurs qualités, leurs défauts, leurs contradictions, leurs interrogations. Imparfaits mais admirables. Chez Richard Price, il n'y a donc pas véritablement de gentils ou de méchants, simplement des êtres plus ou moins blessés, plus ou moins courageux, dont les actions sont guidées alternativement par la volonté de garder la tête hors de l'eau et par le violent désir d'être aimé.
Les amateurs de péripéties à foison en resteront pour leur frais : pour apprécier "Le Samaritain", il faut savoir se laisser porter par son rythme lâche, savoir emprunter les chemins de traverse qu'ils nous propose, savoir écouter ces dizaines de voix qui tour à tour s'expriment. Pour qui acceptera de lui consacrer un peu de temps, ce magnifique roman flapi, ce grand livre las se montrera passionnant et émouvant de bout en bout. D'abord parce que son personnage central, l'étrange Ray Mitchell, est un loser sublime, conteur intarissable prêt à tout pourvu que cela lui permette de se sentir utile. Mais au-delà de cette figure marquante, c'est une formidable galerie de personnages qui s'anime sous nos yeux, un microcosme dont les actions, les histoires, les relations tissent le canevas de l'évolution d'une ville, de ses différents quartiers, de sa population, sur plusieurs décennies. C'est tout à la fois touchant et jubilatoire, à la fois totalement statique et débordant d'action : si l'histoire principale tient finalement sur un confetti, ce sont les anecdotes foisonnantes qui se greffent dessus qui font toute la substance de ce livre monde. Un roman choral, comme le rappelle la quatrième de couverture, mais là où ce type d'entreprises vise surtout à créer des intrigues qui s'entrecroisent de façon abracadabrante, Richard Price se contente de donner à chacun la parole, avec simplicité. Il ne cherche pas à épater la galerie mais il a des milliers d'histoires à raconter. Ecoutez-les !
Les amateurs de péripéties à foison en resteront pour leur frais : pour apprécier "Le Samaritain", il faut savoir se laisser porter par son rythme lâche, savoir emprunter les chemins de traverse qu'ils nous propose, savoir écouter ces dizaines de voix qui tour à tour s'expriment. Pour qui acceptera de lui consacrer un peu de temps, ce magnifique roman flapi, ce grand livre las se montrera passionnant et émouvant de bout en bout. D'abord parce que son personnage central, l'étrange Ray Mitchell, est un loser sublime, conteur intarissable prêt à tout pourvu que cela lui permette de se sentir utile. Mais au-delà de cette figure marquante, c'est une formidable galerie de personnages qui s'anime sous nos yeux, un microcosme dont les actions, les histoires, les relations tissent le canevas de l'évolution d'une ville, de ses différents quartiers, de sa population, sur plusieurs décennies. C'est tout à la fois touchant et jubilatoire, à la fois totalement statique et débordant d'action : si l'histoire principale tient finalement sur un confetti, ce sont les anecdotes foisonnantes qui se greffent dessus qui font toute la substance de ce livre monde. Un roman choral, comme le rappelle la quatrième de couverture, mais là où ce type d'entreprises vise surtout à créer des intrigues qui s'entrecroisent de façon abracadabrante, Richard Price se contente de donner à chacun la parole, avec simplicité. Il ne cherche pas à épater la galerie mais il a des milliers d'histoires à raconter. Ecoutez-les !
3 janvier 2010
Gregory McDonald - Rafael, Derniers Jours
Bienvenue en enfer : Rafael, épave humaine de même pas trente ans, accepte d'être la victime d'un snuff-movie en échange de quelques milliers de dollars à léguer à sa famille. "Rafael, Derniers Jours" narre - comme la traduction française du titre original "The Brave" l'indique clairement - les faits et gestes du condamné durant le bref laps de temps qui le sépare de sa mort. Suit une succession de saynètes décrivant la vie d'une communauté de marginaux pour qui l'expression "no future" semble vraiment avoir un sens.
Cela pourrait être insupportable, ça l'est dans une certaine mesure d'ailleurs, mais c'est aussi, surtout, bien plus que ça : joyeux, émouvant, parfois poignant. La grande force de ce très bref roman, c'est qu'il parvient à survivre, à transcender même son argument de base choquant et malsain grâce à une empathie et une tendresse qui donnent envie d'aimer ces personnages. Bien entendu, on ne ressort ni indemne ni gai de cette plongée dans un marais de misère (l'univers bidonvillesque de Morgantown, où les habitants, tous illettrés et alcooliques, tentent de gagner leur pitance en revendant tant bien que mal des objets extirpés de la décharge avoisinante). Le choix de Rafael lui permet cependant d'apporter un bonheur inhabituel à ses proches, de s'imprégner de l'amour qu'il éprouve pour sa famille boîteuse, de prendre conscience de la misère de sa vie, de la vie de ceux qui l'entourent, de bâtir des projets d'avenir en échappant à l'angoisse de les voir s'effondrer.
L'écriture de McDonald est sèche, sans beaucoup de fioritures ni de description, et s'appuie principalement sur des dialogues pour décrire les personnages et leurs relations. C'est cette sobriété qui permet au livre d'échapper au pathos, au voyeurisme glauque. Mémorable, pas moins.
Cela pourrait être insupportable, ça l'est dans une certaine mesure d'ailleurs, mais c'est aussi, surtout, bien plus que ça : joyeux, émouvant, parfois poignant. La grande force de ce très bref roman, c'est qu'il parvient à survivre, à transcender même son argument de base choquant et malsain grâce à une empathie et une tendresse qui donnent envie d'aimer ces personnages. Bien entendu, on ne ressort ni indemne ni gai de cette plongée dans un marais de misère (l'univers bidonvillesque de Morgantown, où les habitants, tous illettrés et alcooliques, tentent de gagner leur pitance en revendant tant bien que mal des objets extirpés de la décharge avoisinante). Le choix de Rafael lui permet cependant d'apporter un bonheur inhabituel à ses proches, de s'imprégner de l'amour qu'il éprouve pour sa famille boîteuse, de prendre conscience de la misère de sa vie, de la vie de ceux qui l'entourent, de bâtir des projets d'avenir en échappant à l'angoisse de les voir s'effondrer.
L'écriture de McDonald est sèche, sans beaucoup de fioritures ni de description, et s'appuie principalement sur des dialogues pour décrire les personnages et leurs relations. C'est cette sobriété qui permet au livre d'échapper au pathos, au voyeurisme glauque. Mémorable, pas moins.
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