L'instinct est un bien étrange ami. Lorsque j'ai mis la main sur ce disque à la pochette fatiguée, marquée par les années et encore ornée du sigle "Best Buy Series", j'ai su que ce choix était juste. Que cette drôle de galette noire, cherchant à échapper à son destin bidimensionnel par des courbures presque comiques, était le vecteur idéal pour la musique des Ramones. Devinez quoi ? L'instinct ne m'avait pas trompé.
Pendant longtemps, les Ramones n'ont été pour moi qu'une fiction, un nom récurrent dans les colonnes de Rock'n'Folk, un vocable systématiquement suivi d'onomatopées au ridicule consommé, symbolique d'une figure tutélaire à la fois vénérée et raillée. Un Cthulhu du punk. L'équivalent musical du Coyote à la poursuite de Bip-Bip. J'ai été déçu lorsque par le biais de CD ou de fichiers numériques de provenances diversement légales, j'ai enfin ajouté, avec un enthousiasme modéré mais poussé par la rigueur compulsive de l'exégète, les Ramones à ma culture musicale. Ce qui paraissait d'une rapidité frénétique à l'époque semble presque plan-plan trente ans après.
C'est le mirobolant "Please Kill Me" qui m'a permis de comprendre à quel point les Ramones valaient mieux que cette image tenace d'amuseurs publics, de crétins juste bons à amuser la galerie. Les Ramones étaient aussi, et surtout, une sublime bande d'écorchés vifs, préférant masquer leur inadaptation profonde au monde de la fin des années 70 sous le masque d'une inanité presque conceptuelle et s'ils ont choisi d'adopter collectivement le même patronyme fictif, c'est bien plus le signe d'une solidarité entre âmes endommagées que la volonté d'asseoir une imagerie de cartoon.
Stupides, les Ramones ? Certainement pas, ou assurément moins que l'on ne veut bien l'imaginer. Trente ans après, et alors que la moitié des membres originels du groupe ont déjà cassé leur pipe, leurs premiers disques tiennent encore bien la route. Paradoxe : les Ramones ont créé le rock binaire ultime, et pourtant leur musique refuse obstinément d'être résumée par une succession de 0 et de 1. Le vinyle craque, sature, saute parfois, bref vit, palpite : soudain ces chansons (enfin, cette chanson répétée 12 fois) s'animent, échappent au carcan numérique, et tout semble prendre sa place, à l'unisson de ces musiciens si approximatifs qu'ils parviennent à ériger la maladresse en religion. Qu'importe si la musique se répète à l'infini : au gré des rayures du disque, le parcours change à chaque écoute, cadavre exquis de suites d'accords si simplifiées qu'elles deviennent les briques interchangeables d'un Lego sonore.
Alors, enfin, les Ramones apparaissent-ils dans toute leur grandeur dérisoire, ou leur dérisoire grandeur, alors le talent atypique de parolier de Joey Ramone, concis et potache, prend-il son essor, bien moins comique qu'il n'y paraît tant il exsude le désarroi et la frustration...
"Hanging out of Second Avenue
Eating chicken vindaloo
I just want to be with you
I just want to have something to do tonight"
Je m'autorise à croire que lorsqu'il a écrit ces lignes, à l'instinct, forcément à l'instinct, Joey Ramone a tout de suite senti que ces paroles étaient justes.
30 juillet 2009
26 juillet 2009
Nick Hornby - Slam
"Slam" ou "Le Petit Nicolas fait un bébé"... Les romans de Nick Hornby, depuis plusieurs années, se bornent à confirmer ce que l'on pressentait confusément : l'Anglais avait épuisé en deux livres ("Carton Jaune" et "Haute Fidélité") les seuls sujets sur lesquels il avait vraiment des choses à dire, le football et la musique. Depuis, il cherche à traiter de problèmes moins apparemment triviaux : l'amour en général, le devenir de l'amour dans la famille en particulier. Nobles thèmes en vérité, mais qui dans la pratique se prêtent mal au traitement "hornbyen" qui est, précisément, une écriture de la légèreté. Le charme des meilleurs livres de Hornby naît de l'habileté de ce dernier à faire comprendre au lecteur, par allusions, par ellipses ou au besoin à grands renforts d'humour, des choses plus profondes qu'il n'y paraît. C'est délicieux, aussi léger qu'une bulle de champagne, mais sans prôner le pathos et la démesure, je pense qu'à tout traiter sur le même mode détaché, on finit par ne plus creuser beaucoup plus profond que la surface.
"Slam" narre les mésaventures de Sam, 15 ans et fan de skate, dont la vie bascule lorsque sa petite amie Alicia lui annonce qu'elle est enceinte et qu'elle compte (évidemment) garder l'enfant. Outre les problèmes pratiques évidents, "Slam" se développe via les relations des deux enfants avec leurs parents (Sam et sa mère de 32 ans, Alicia et ses parents confits de certitudes), ce qui lui permet de gagner en épaisseur et en cocasserie. Pour le reste (et sur un sujet, je l'avoue, qui me touche plus d'autres), les pérégrinations de Sam paraissent bien bénignes, et le bouleversement absolu que devrait représenter l'arrivée de l'enfant chez cet étrange petit couple s'apparente à une péripétie bénigne du quotidien. Il n'est que de voir à quel point Hornby semble engoncé lorsqu'il lui faut aborder des événements qui s'éloignent de sa conception lissée de la narration : le sexe en est probablement le meilleur exemple. Alors que "Slam" est, fondamentalement, bâti autour de la question du sexe chez de jeunes adolescents, la chose proprement dite est évacuée en quelques phrases mal assurées qui sont censées représenter la pudeur et le malaise de Sam, mais dont on ne perçoit que trop bien à quel point elles reflètent l'angoisse de l'auteur à s'attaquer à ces difficultés.
On pressentait déjà cette limite dès "Carton Jaune" : à intellectualiser sa passion, Hornby en idéalisait certains aspects, et à lire "Football Factory", de John King, beaucoup plus rustre et physique, on comprenait que certains sujets ne sont pas faits pour être toujours pris avec des pincettes. Au final, ce qui sauve "Slam", comme les précédents romans de Hornby, c'est la plume toujours alerte de l'auteur, jamais avare d'une bonne formule, d'une remarque qui fait mouche. Je ne vais pas cracher dans la soupe : "Slam" se lit vite, sans aucun ennui, la lecture distrait souvent, émeut même parfois. Ce n'est donc pas, loin s'en faut, un mauvais livre, mais simplement un bon moment vite oublié, sur un sujet pas si anodin que cela, et qui aurait sans doute mérité mieux.
"Slam" narre les mésaventures de Sam, 15 ans et fan de skate, dont la vie bascule lorsque sa petite amie Alicia lui annonce qu'elle est enceinte et qu'elle compte (évidemment) garder l'enfant. Outre les problèmes pratiques évidents, "Slam" se développe via les relations des deux enfants avec leurs parents (Sam et sa mère de 32 ans, Alicia et ses parents confits de certitudes), ce qui lui permet de gagner en épaisseur et en cocasserie. Pour le reste (et sur un sujet, je l'avoue, qui me touche plus d'autres), les pérégrinations de Sam paraissent bien bénignes, et le bouleversement absolu que devrait représenter l'arrivée de l'enfant chez cet étrange petit couple s'apparente à une péripétie bénigne du quotidien. Il n'est que de voir à quel point Hornby semble engoncé lorsqu'il lui faut aborder des événements qui s'éloignent de sa conception lissée de la narration : le sexe en est probablement le meilleur exemple. Alors que "Slam" est, fondamentalement, bâti autour de la question du sexe chez de jeunes adolescents, la chose proprement dite est évacuée en quelques phrases mal assurées qui sont censées représenter la pudeur et le malaise de Sam, mais dont on ne perçoit que trop bien à quel point elles reflètent l'angoisse de l'auteur à s'attaquer à ces difficultés.
On pressentait déjà cette limite dès "Carton Jaune" : à intellectualiser sa passion, Hornby en idéalisait certains aspects, et à lire "Football Factory", de John King, beaucoup plus rustre et physique, on comprenait que certains sujets ne sont pas faits pour être toujours pris avec des pincettes. Au final, ce qui sauve "Slam", comme les précédents romans de Hornby, c'est la plume toujours alerte de l'auteur, jamais avare d'une bonne formule, d'une remarque qui fait mouche. Je ne vais pas cracher dans la soupe : "Slam" se lit vite, sans aucun ennui, la lecture distrait souvent, émeut même parfois. Ce n'est donc pas, loin s'en faut, un mauvais livre, mais simplement un bon moment vite oublié, sur un sujet pas si anodin que cela, et qui aurait sans doute mérité mieux.
18 juillet 2009
Ryskee - Leave Me Amor
A nouveau, une unique chanson (deviens-je gâteux au point de ne plus être à même de chroniquer des albums ?) pour ce billet. Notons cependant que Leave Me Amor de Ryskee est proposé sur les plates formes de téléchargement légal sous la forme d'un ensemble de 14 mixes différents. C'est un rien exagéré. Certains sont tout à fait écoutables (Bloody Beetroots, SPA ou l'étrange reprise acoustique de Yann Destal), mais je m'arrêterai surtout sur l'incroyable "Play Paul remix", qui donne à la chanson toute sa mesure. Sous les mains de son créateur (puisque Ryskee est un nom d'emprunt pour le nouveau projet dudit Play Paul), Leave Me Amor est LA pépite douce-amère de l'été : son électronique eighties sous haute influence New Order, refrain "plus accrocheur tu meurs", mélodie encore plus addictive que le Toblerone... Je ne vais pas en écrire des pages, mais ça passe en boucle sur mon baladeur, c'est kitsch et pourtant élégant, gai et triste à la fois, bref c'est bien.
17 juillet 2009
Dr House - Saison 1
Il serait exagéré de me positionner en exégète d'une série quelle qu'elle soit ; le nombre incroyable de séries marquantes parues ces dernières années est tel que s'y retrouver vraiment nécessite une activité de visionnage à plein temps ou presque. Moyennant quoi je m'en tiens, avec un succès variable, à quelques fleurons identifiés du genre. Parmi les derniers en date, le feuilleton qui fait les choux gras des soirées de TF1 : "Dr House". J'avoue avoir attaqué cette première saison avec un a priori suspicieux. A priori injustifié, certainement, car sans faire de Gregory House un personnage aussi marquant que Dale Cooper ou Nate Fisher, cette entrée en matière est d'un bon niveau.
La bonne idée de "Dr House" est de se démarquer très rapidement d'"Urgences", le fleuron inégalable du genre hospitalo-frénétique, et de placer ses protagonistes dans un obscur service de diagnostic dont l'activité est, par nature, sporadique et limitée. Le suspense et la tension ne viennent donc pas de l'avalanche de cas différents et de points de vue multiples sur un hopital / ruche, mais de l'énigme quasi-policière posée aux médecins par les symptômes atypiques proposés au service de diagnostic.
La formule "un épisode / un cas" fait merveille en début de saison, puis commence à patiner, on comprend vite que la série ne pourra pas reposer durablement sur cette recette. Visiblement les scénaristes également, puisqu'ils introduisent progressivement, et avec plus ou moins d'habileté, différents expédients classiques destinés à pimenter chaque épisode : le corps étranger (un suspicieux mécène qui prend la possession de l'hôpital), des histoires de coeur et des intrigues personnelles qui permettent de développer aussi bien le héros lunatique de la série que ses faire-valoir qui gagnent en épaisseur. C'est ainsi que l'on s'attache peu à peu à Gregory House, l'improbable médecin surdoué et misanthrope, arrogant et charismatique, qui mène à la baguette l'insignifiant petit monde qui gravite autour de lui... et c'est surtout ainsi que l'on gobe assez allègrement les spectaculaires énormités qui parsèment la série : postulat de départ invraisemblable, cas tordus à répétition, péripéties parfois repérables à 15 km de distance...
La première saison de "Dr House" n'est pas inoubliable, certaines faiblesses et grosses ficelles un poil trop voyantes sont à regretter. Mais l'originalité du concept et le charisme du héros, alliés à des dialogues très bien écrits, permettent de s'attaquer à la deuxième saison avec impatience. Differential diagnosis, people !
La bonne idée de "Dr House" est de se démarquer très rapidement d'"Urgences", le fleuron inégalable du genre hospitalo-frénétique, et de placer ses protagonistes dans un obscur service de diagnostic dont l'activité est, par nature, sporadique et limitée. Le suspense et la tension ne viennent donc pas de l'avalanche de cas différents et de points de vue multiples sur un hopital / ruche, mais de l'énigme quasi-policière posée aux médecins par les symptômes atypiques proposés au service de diagnostic.
La formule "un épisode / un cas" fait merveille en début de saison, puis commence à patiner, on comprend vite que la série ne pourra pas reposer durablement sur cette recette. Visiblement les scénaristes également, puisqu'ils introduisent progressivement, et avec plus ou moins d'habileté, différents expédients classiques destinés à pimenter chaque épisode : le corps étranger (un suspicieux mécène qui prend la possession de l'hôpital), des histoires de coeur et des intrigues personnelles qui permettent de développer aussi bien le héros lunatique de la série que ses faire-valoir qui gagnent en épaisseur. C'est ainsi que l'on s'attache peu à peu à Gregory House, l'improbable médecin surdoué et misanthrope, arrogant et charismatique, qui mène à la baguette l'insignifiant petit monde qui gravite autour de lui... et c'est surtout ainsi que l'on gobe assez allègrement les spectaculaires énormités qui parsèment la série : postulat de départ invraisemblable, cas tordus à répétition, péripéties parfois repérables à 15 km de distance...
La première saison de "Dr House" n'est pas inoubliable, certaines faiblesses et grosses ficelles un poil trop voyantes sont à regretter. Mais l'originalité du concept et le charisme du héros, alliés à des dialogues très bien écrits, permettent de s'attaquer à la deuxième saison avec impatience. Differential diagnosis, people !
14 juillet 2009
Moby - Mistake
Une seule chanson pour ce bref billet - je ne suis pas encore tout à fait certain de trouver l'énergie de chroniquer "Wait For Me", le dernier et assez estimable album de Moby, sur Indiepoprock. Mistake, deuxième single tiré de l'album, en est probablement le chef-d'oeuvre.
Moby a toujours été insaisissable, difficile à cerner, tour à tour stupéfiant et ridicule, sympathique et détestable. On lui sait gré d'avoir lui-même défini avec "Play" les standards d'une certaine vision de la musique électronique, et dans le même temps on le déteste pour avoir fait tourner cette formule à la parodie, et engendré quelques pénibles rejetons... Je ne suis pas certain que Mistake aide réellement mieux à comprendre l'énigme Moby, mais cette chanson permet de se souvenir qu'on n'a pas toujours eu tort de l'aimer.
Mistake est un titre terrassant d'élégance, sa mélodie, simple et directe, va droit au coeur alors même que le cerveau enregistre la finesse d'une structure qui s'appuie sur un décalage entre les changements d'accord et les phrases chantées doucement par Moby lui-même, sur des intonations très inspirées par Matt Berninger, le charismatique leader de The National. Quant aux paroles, à la fois absconses et universelles, elles ne peuvent que faire mouche - qui ne voudrait pas faire sienne une phrase comme "Don't let me make the same mistake again" ? Une chanson à la fois taillée pour le succès et plus exigeante qu'il n'y paraît : on peut toujours passer à côté ou se la passer en boucle, personnellement j'ai fait mon choix.
Enfin, même lorsqu'il interprète à la télévision française une version assez médiocre de cette splendeur hiératique, Moby porte un T-Shirt des Stooges. Il lui sera ainsi beaucoup pardonné.
13 juillet 2009
Douglas Coupland - Eleanor Rigby
Je n'avais jamais lu aucun livre de Douglas Coupland. Plus précisément, j'avais entamé "Generation X" en version anglaise, et avais abandonné au bout de quelques pages, rebuté par la difficulté que je rencontrais à comprendre ce que je déchiffrais... Un obstacle bien étrange car à la lecture d'"Eleanor Rigby" (en français, certes) et de ses phrases toutes simples, l'alternative est simple : soit les deux livres n'ont rien à voir, soit mon anglais n'est plus vraiment ce que j'aimerais qu'il soit encore.
Ceci, toutefois, est relativement anecdotique. Ce qui importe en revanche, c'est que j'aie pris du plaisir à lire "Eleanor Rigby". Voici un livre bref, au rythme alerte, qui se dévore d'une traite ou presque et qui se paie même le luxe de tirer une petite larme d'émotion dans ses dernières pages. Nous voici ainsi conviés à découvrir l'histoire de la vie de Liz Dunn, femme terne et sans intérêt, de son propre aveu parfaitement transparente, une vie aux péripéties sans réel rapport avec l'apparence lisse de cette héroïne rondelette. Le paradoxe d'"Eleanor Rigby" devient alors patent : comment adhérer véritablement à la translucidité absolue de son personnage principal (qui est pourtant le fait générateur du récit) alors que s'alignent au cours des chapitres des rebondissements aussi ahurissants les uns que les autres ? Je n'ai pas de réponse, mais "Eleanor Rigby" n'aurait certainement pas été aussi divertissant sans ces révélations à répétition... L'éloge de l'insignifiance tourne court.
Deux choses, tout de même, m'interpellent : j'avais cru comprendre, à lire plusieurs articles, que Coupland était assez largement considéré comme un auteur majeur de ces dernières années. N'ayant pas lu ses autres ouvrages, je ne peux livrer un avis valable sur la question, mais en dépit de ses très nombreuses qualités, "Eleanor Rigby" demeure un roman mineur, aussi agréable et distrayant que finalement superficiel. Quant au propos sous-jacent, il paraît bien léger, voire cucul-la-praline : s'agit-il de démontrer que même les personnes les plus insignifiantes en apparence peuvent avoir des secrets, une vie plus riche qu'il n'y paraîtrait de prime abord ? Ou bien faut-il le voir comme un abaissement du lecteur, qui, n'ayant pas vécu le dixième des aventures Liz Dunn, en serait réduit à la conclusion qu'il est en réalité encore plus transparent que cette vieille fille censée incarner le dérisoire ?
("Eleanor Rigby" est disponible chez 10-18 en format de poche, grâce soit rendue à Marie-Laure pour m'en avoir offert un exemplaire !)
Ceci, toutefois, est relativement anecdotique. Ce qui importe en revanche, c'est que j'aie pris du plaisir à lire "Eleanor Rigby". Voici un livre bref, au rythme alerte, qui se dévore d'une traite ou presque et qui se paie même le luxe de tirer une petite larme d'émotion dans ses dernières pages. Nous voici ainsi conviés à découvrir l'histoire de la vie de Liz Dunn, femme terne et sans intérêt, de son propre aveu parfaitement transparente, une vie aux péripéties sans réel rapport avec l'apparence lisse de cette héroïne rondelette. Le paradoxe d'"Eleanor Rigby" devient alors patent : comment adhérer véritablement à la translucidité absolue de son personnage principal (qui est pourtant le fait générateur du récit) alors que s'alignent au cours des chapitres des rebondissements aussi ahurissants les uns que les autres ? Je n'ai pas de réponse, mais "Eleanor Rigby" n'aurait certainement pas été aussi divertissant sans ces révélations à répétition... L'éloge de l'insignifiance tourne court.
Deux choses, tout de même, m'interpellent : j'avais cru comprendre, à lire plusieurs articles, que Coupland était assez largement considéré comme un auteur majeur de ces dernières années. N'ayant pas lu ses autres ouvrages, je ne peux livrer un avis valable sur la question, mais en dépit de ses très nombreuses qualités, "Eleanor Rigby" demeure un roman mineur, aussi agréable et distrayant que finalement superficiel. Quant au propos sous-jacent, il paraît bien léger, voire cucul-la-praline : s'agit-il de démontrer que même les personnes les plus insignifiantes en apparence peuvent avoir des secrets, une vie plus riche qu'il n'y paraîtrait de prime abord ? Ou bien faut-il le voir comme un abaissement du lecteur, qui, n'ayant pas vécu le dixième des aventures Liz Dunn, en serait réduit à la conclusion qu'il est en réalité encore plus transparent que cette vieille fille censée incarner le dérisoire ?
("Eleanor Rigby" est disponible chez 10-18 en format de poche, grâce soit rendue à Marie-Laure pour m'en avoir offert un exemplaire !)
6 juillet 2009
Joey Goebel - The Anomalies / Torturez l'Artiste !
Joey Goebel n'a pas marqué l'histoire de la musique ; sa biographie évoque pourtant des participations à des groupes aussi vitaux que The Mullets (?) et Novembrists (?!). Nul doute que ces expérience, pour peu rémunératrices qu'elle aient été, nourrissent aujourd'hui son oeuvre de romancier. Ses deux premiers romans, "The Anomalies" et "Torturez L'Artiste !" ont été publiés il y a peu en France.
Dans "The Anomalies", Goebel narre les péripéties improbables vécues par un groupe composé de personnages tout aussi improbables (une mamie obsédée et une gamine de 7 ans, un Irakien, un démiurge marginal...). Bref et percutant, "The Anomalies" se lit sans déplaisir, mais ses parti-pris invraisemblables en sapent quelque peu l'effet. A force de rechercher l'originalité et le décalage à tout prix, Goebel oublie un peu le lecteur en cours de route. Ce qui peut s'avérer réciproque.
On retrouve également cette quête effrénée de marginalité dans la fable "Torturez l'Artiste !", qui nous narre les tribulations d'un agent artistique pas tout à fait comme les autres. Embauché par une mystérieuse corporation, il se voit contraint de prendre sous son aile un enfant au talent particulièrement prometteur. Partant du principe qu'un artiste malheureux produira ses oeuvres les plus essentielles, son travail consistera à s'assurer que son poulain soit systématiquement voué au malheur, et qu'ainsi il produira des oeuvres d'art exceptionnelles. Mieux écrit, beaucoup plus ambitieux que le finalement très préado "Anomalies", plus vicieux également, "Torturez l'Artiste !" se lit d'une traite, avec un plaisir non feint. Toutefois on reste à quelques longueurs de l'adhésion totale, en particulier à cause de cet aspect volontairement irréel.
Dans "The Anomalies", Goebel narre les péripéties improbables vécues par un groupe composé de personnages tout aussi improbables (une mamie obsédée et une gamine de 7 ans, un Irakien, un démiurge marginal...). Bref et percutant, "The Anomalies" se lit sans déplaisir, mais ses parti-pris invraisemblables en sapent quelque peu l'effet. A force de rechercher l'originalité et le décalage à tout prix, Goebel oublie un peu le lecteur en cours de route. Ce qui peut s'avérer réciproque.
On retrouve également cette quête effrénée de marginalité dans la fable "Torturez l'Artiste !", qui nous narre les tribulations d'un agent artistique pas tout à fait comme les autres. Embauché par une mystérieuse corporation, il se voit contraint de prendre sous son aile un enfant au talent particulièrement prometteur. Partant du principe qu'un artiste malheureux produira ses oeuvres les plus essentielles, son travail consistera à s'assurer que son poulain soit systématiquement voué au malheur, et qu'ainsi il produira des oeuvres d'art exceptionnelles. Mieux écrit, beaucoup plus ambitieux que le finalement très préado "Anomalies", plus vicieux également, "Torturez l'Artiste !" se lit d'une traite, avec un plaisir non feint. Toutefois on reste à quelques longueurs de l'adhésion totale, en particulier à cause de cet aspect volontairement irréel.
Goebel a une plume, un ton et c'est déjà beaucoup. Il lui reste à trouver un équilibre ; pour l'instant, il séduit par son originalité et pêche à force de l'afficher comme une bannière gigantesque. C'est vrai que c'est compliqué, finalement, un lecteur...
Libellés :
Joey Goebel,
Livres,
The Anomalies,
Torturez l'Artiste
3 juillet 2009
Procrastination
Le délai séparant mes interventions céans va croissant, c'était à prévoir. Je reste désespérément incompatible avec une activité récurrente et régulière. Paresse ? Caractère velléitaire ? Emploi du temps trop chargé ? Probablement un peu tout en même temps à vrai dire. Sur le long terme je finis toujours par être assez crédible. En attendant, les brouillons s'accumulent sur ce blog, mais patience, demain je m'y remets, c'est promis... D'ici là j'ai une petite croisade à lancer contre les masticateurs de chewing-gum.
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