Réverbération au maximum, voix spectrales flottant sur une musique éthérée : pas de doute, nous sommes bien dans l'univers de This Mortal Coil, la rêverie quasi new-age de Ivo Watts-Russell. Insupportable succession de fadaises arty pour les détracteurs, This Mortal Coil représente surtout pour les amateurs le résumé merveilleux de ce que le rock intello pouvait produire de plus sophistiqué durant les années 80 - l'ultime remède contre tous les pisse-vinaigre qui voudraient résumer cette décennie à quelques tubes synthétiques fluorescents ou à une soirée gloubi-boulga.
Avec son cortège d'habitués (les soeurs Rutkowski, Dominic Appleton, Alison Limerick), le collectif This Mortal Coil, quelques années avant Massive Attack, a probablement proposé le plus beau recueil de voix de l'époque, des voix souvent traitées avec la dose massive d'écho de rigueur mais toujours mises en avant, magnifiées par des mélodies déchirantes, jamais en retrait derrière les instruments (Tarantula, Morning Glory, I Want To Live). Bien évidemment, le spleen cosmique et diaphane d'Ivo Watts-Russell n'a que peu à voir avec la soul urbaine et physique de 3D et consorts, mais on ne peut pas s'empêcher de trouver quelques parallèles dans ces deux façons de recourir à la beauté bouleversante d'une voix humaine pour habiter une musique par nature artificielle.
Moins abouti que son successeur "Blood", "Filigree And Shadow" propose beaucoup plus d'instrumentaux et s'avère donc d'une écoute plus exigeante, parfois à la limite de l'ascèse. Se laisser emporter, élever par cette musique n'est pas instantané, cela suppose plusieurs écoutes attentives, une disposition d'esprit propice à se délester des turpitudes du quotidien. Sous ces quelques conditions, le voyage demeure sublime.
Au-delà de la promesse de voyages immobiles, ce qui fait la grandeur de This Mortal Coil, ce sont aussi ces impensables reprises, audacieuses, lettrées, élégantes. Là encore le choix est impeccable, avec des reprises de Tim Buckley, des Talking Heads, de Colin Newman, de Van Morrison... Il n'en faut pas plus pour se replonger avec d'infinies délices dans ces années à mauvais escient honnies. En 1986, la classe avait plus qu'un nom : une dépouille. Mortelle.
25 avril 2010
2 avril 2010
Marina And The Diamonds - Are You Satisfied
Depuis que JD Beauvallet a définitivement sombré dans la folie (circa 1996 et sa découverte des Spice Girls), on voit régulièrement fleurir, chez les critiques les plus sérieux et les plus pointus, des discours étranges d'analyse de la musique populaire comme terrain d'expérimentation sonore (en vrac, via Britney Spears et les Neptunes, via les productions Timbaland, via Lily Allen ou encore, plus récemment Lady GaGa, j'en passe et des plus gratinées). C'est reparti pour un tour avec l'arrivée en fanfare de Marina Diamandis, de son joli minois, de sa voix spectaculaire, de son accent à couper au couteau et de ses tubes cybernétiques. Marina va au-delà de la pop bubblegum, on est carrément dans le domaine d'une pop Powerade - soit une mixture chimique aux arômes tous plus factices les uns que les autres, affichant un taux de sucre délirant. Assez étrangement, si l'écoute de l'album "The Family Jewels" s'avère globalement pénible, la formule peut marcher sur certains titres, en particulier sur Are You Satisfied. Une chanson que l'on pourrait qualifier, pour vraiment jouer les critiques, d'expérimentation fascinante de déconstruction de la pop synthétique, tant il est impossible d'y déceler une véritable structure couplet / refrain. Le morceau est construit comme une succession de ponts, sonnant comme autant d'hymnes, se succédant à un rythme effréné. C'est comme un lombric, ça n'a ni queue ni tête, mais ça s'imprime instantanément dans la mémoire et, ma foi, si l'on n'est pas trop regardant, ce n'est pas désagréable. Marina est donc le joli lombric musical de ce début d'année - je me demande juste s'il n'y aurait pas beaucoup plus ambitieux à faire avec une voix aussi singulière...
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