18 mai 2009

Slayer - Seasons In The Abyss


C'est vrai, le metal ne fait pas partie du fonds de commerce vilement exploité céans ; mais avouons-le, s'astreindre à la finesse, à l'élégance et à la distinction relève parfois du sacerdoce, aussi le chroniqueur indiepopeux s'adonne-t-il plus souvent qu'on ne le croit aux joies du headbanging. Parfois, on a juste envie de crier : fuck Belle & Sebastian, et vive Metallica. Chanter les louanges de Slayer, cependant, revêt toujours un aspect délicat, tant l'aura du groupe s'entoure d'on-dits sulfureux ; aux premiers rangs de ceux-ci, les spéculations récurrentes quant à des penchants politiques assez peu recommandables. J'aurais pour ma part tendance à penser que tout d'abord, le punk et le post-punk ne sont pas exempts de tout reproche quant à leur fascination pour le 3ème Reich... Ensuite que ce qui marque la démarche d'un groupe comme Slayer, c'est aussi et surtout une véritable fascination pour le mal, dans toutes ses incarnations, des plus mythiques et caricaturales aux plus réalistes et tragiques. La fascination n'impliquant pas forcément l'adhésion aux thèses nazies, il me semble que Slayer ne mérite pas cette assimilation.

Si "Seasons In the Abyss" n'est pas, selon les canons consacrés, le meilleur album de Slayer, il représente en revanche un excellent round d'observation. Sans aucun compromis (à la différence de Metallica, Slayer n'a jamais mis la moindre goutte d'eau dans son vin), il bénéficie en revanche d'une production soignée, et s'avère basé sur des morceaux plus faciles d'accès que sur certains autres albums. Et comme toute la discographie du groupe, il est parfaitement représentatif de ce qui fait son unicité : une incroyable capacité à transcender le grand-guignol. Là où, avec des histoires de vivisection, de nécrophilie et autres joyeusetés, beaucoup versent dans un ridicule consommé et deviennent risibles à force d'exagération, Slayer réussit réellement à impressionner et faire peur. La recette miracle : une approche musicale brutale, directe et très proche finalement du hardcore. Des chansons brèves, sans affèteries, à mille lieues de délires progressifs. Une voix poussée à bout et authentiquement torturée, mais jamais travestie. Au final, une force de frappe sans pitié au service d'une machine à distiller de la rage.

Dès War Ensemble, une tuerie thrash à la violence indicible, le ton est donné ; les riffs sanguinolents délivrés par la paire de guitaristes Hanneman et King cisaillent les oreilles, tandis que la batterie de Dave Lombardo mitraille à coups de double grosse caisse. La production de Rick Rubin et Andy Wallace, donne au groupe un son plein, et permet à son agressivité de prendre toute son ampleur. Dead Skin Mask représente l'un des sommets de l'album, les images malsaines des textes d'Araya s'imprimant durablement dans l'imaginaire de l'auditeur. Quant au morceau titre, qui clôt magistralement un ensemble de haute volée, c'est un autre moment de bravoure, avec une introduction inquiétante qui se voit concassée par une accélération rythmique soudaine.

Ce type de disque n'est évidemment pas à conseiller à toutes les oreilles, mais il est bon parfois de se pencher sans a priori sur le metal : la puissance de certains albums transcende de toute façon les genres...

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